Elle s’appelle tout simplement ICI, car cela se passe ici et
pas ailleurs. Quel joli nom, simple et percutant. Avec sa remarquable devanture design d’un
subtil rouge orangé, elle vient d’apparaître cet automne à Paris sur les grands
boulevards. C’est la plus grande librairie indépendante jamais ouverte depuis
vingt ans dans la capitale. On ne fera jamais assez de place à la lecture.
C’est immédiatement ce qui vous vient à l’esprit en découvrant cette toute
jeune et pourtant si grande librairie de 500 mètres carrés répartis en deux
niveaux. Vous vous souvenez alors de ce temps où une grande chaîne de magasins culturels se targuait qu’on ne
ferait jamais assez de place à la musique avant de fermer ses portes une à une,
dont son vaisseau amiral parisien le mégastore des Champs Élysées. Et bien, c’est justement en faisant leurs
armes chez Virgin que Anne-Laure Vial et
Delphine Bouétard se sont rencontrées, ont
appris leur métier de libraire et à voir les choses en grand. Si à l’époque la
crise du disque et la hausse des loyers ont eu raison de leur ancienne et
prestigieuse maison, elles gardent une
foi indéfectible en la capacité de
mobiliser les lecteurs grands et petits,
autour d’un vaste lieu consacré à la lecture, aux rencontres, aux
échanges. « Depuis 2012 nous imaginions créer toutes les deux une grande
librairie qui serait un véritable lieu de vie, de respiration et d’évasion
ouvert à tous » nous confie Delphine Bouétard. « Et surtout avoir l’offre
la plus large possible, pour répondre aux espérances de chacun» rajoute Anne –Laure Vial. C’est aujourd’hui chose
faite avec ce lieu spectaculaire conçu
par le jeune studio d’architectes Briand&Berthereau qui a fait de cet ancien
magasin de vêtements un véritable écrin de bois de bouleau clair pour les
40.000 livres disponibles. Au sous-sol où auparavant il y a eu un cinéma et les
célèbres boites de nuit « Le
Pulp » et « Le Scorp », vous trouverez un vaste espace avec 4 ,5 mètres de hauteur
sous plafond, meublé d’estrades en forme d’agora pour y lire et y organiser des
événements, des rencontres, des ateliers.
Si l’envie vous prend de vous poser autour d’une douceur et d’une
boisson, direction le coin café « Coutume » où l’as de la torréfaction vous propose une restauration légère salée-sucrée à
toute heure. Rencontre avec deux héroïnes
modernes qui face au géant Amazon affichent une audace pleine d’optimisme
« Même pas peur. Les rapports humains , le conseil feront la différence» nous répondent elles en chœur, confiantes en
l’avenir. Alors justement, écoutons leurs si précieuses recommandations de
lecture.
En cette fin de
rentrée littéraire quel a été votre gros coup de cœur ?
« Arcadie » d’Emmanuelle Bayamack-Tam (Éditions
P.OL). L’histoire d’une enfant dont on suit le délicat passage de l’adolescence
à l’âge adulte au sein d’une communauté dirigée par un chef spirituel. Son
corps de jeune fille se transforme et son identité évolue pour tendre vers un
autre genre que le sien. C’est un roman drôle, intelligent, subversif,
impertinent et écrit magnifiquement. Un véritable tour de force littéraire.
Et du côté des
auteurs étrangers, que nous conseillez-vous ?
«Moi ce que j’aime, c’est les monstres » d’ Emil Ferris
«Éditions Monsieur Toussaint
Louverture). C’est un roman graphique qui est de la littérature à l’état pur. Une
sensation de lecture exceptionnelle tant les textes sont aussi puissants que
les dessins sont spectaculaires. Les uns sont totalement dépendants des autres
et jamais les uns ne prennent le pas sur les autres. C’est stupéfiant.
Y a-t-il un premier
roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Par les écrans du monde » de Fanny Taillandier (Éditions du Seuil). Au départ on s’est dit,
ça va être un énième roman sur le 11 septembre et au final on a été plus qu’impressionnées. C’est une réflexion brillante et pourtant
simple dans son expression, qui dénonce le jeu des apparences, de l’irrationalité
et de la fascination que les images exercent sur nous.
Quel est le livre que
vous défendez avec ferveur et qui est le
plus emblématique de la librairie.
Pour moi, nous dit Anne Laure, c’est « À la recherche
du temps perdu » de Marcel Proust que j’ai découvert il y a dix ans et ça
a été une vraie claque. Pour moi c’est l’écrivain qui provoque le mieux des
images mentales dans le cerveau du lecteur. Et c’est pour cette raison qu’au
final il est plus facile à lire qu’il n’y paraît, alors que beaucoup s’en font
une montagne. Et Delphine de nous confier « Pour ma part c’est
« Le livre de l’intranquilité» de Fernando Pessoa (Christian Bourgois
Editeur) que vous trouverez en pile dès que l’on entre dans la librairie. Un
livre vers lequel elle je reviens toujours, inlassablement.
Quel livre vous êtes-vous
promis de lire ?
« J’avoue n’avoir jamais lu Céline » nous répond
Anne Laure. Et moi Duras » s’exclame Delphine.
Une brève de
librairie :
On ne sait pas si c’est un signe, un message, un présage,
mais le premier livre que l’on a reçu sur les 40.000 ouvrages commandés était
un livre sur le plan comptable. On s’est dit qu’on espérait avoir mieux à lire très
vite.
Librairie ICI
25 Boulevard Poissonnière
75005 Paris
01.85 01 67 30