Défendre des petits éditeurs qui impriment de la poésie au
plomb mobile avec une presse, voilà l’une des grandes fiertés de Julien Burnat ancien
animateur radio qui a repris il y a trois ans cette librairie-papeterie de Senlis
créée en 1999. Issu d’une famille de libraires versaillais depuis quatre
générations cette aventure semblait toute tracée pour cet amoureux des
livres. Ici, les ouvrages d’éditeurs
confidentiels côtoient ceux des plus grandes maisons . Le choix est vaste et la
certitude de jolies découvertes assurée. Son enseigne porte un bien joli nom « Le verbe et l’objet » qui n’est
pas sans rappeler « Les mots et les choses » le célèbre essai de
Michel Foucault . Les livres y côtoient une sélection soignée de papeterie, de
stylos, de déco mais aussi d’objets liés aux voyages : maquettes de montgolfières,
de planètes et globes terrestres. Si ce
lieu singulier fait penser à un cabinet de curiosité, c’est que Julien Burnat
travaille avec cœur « Je choisis les livres et les objets avec mon âme et
mon envie ». Côté littérature, en très bon lecteur là aussi il laisse
parler ses émotions avec une exigeante sélection d’ouvrages. À Senlis ville assez
conservatrice, il fait le pari de proposer une littérature de qualité qui
explore des univers parfois à la marge qui peuvent bousculer pour ne pas dire
secouer les esprits.
Quel est le livre
pour lequel vous avez un coup de cœur en ce moment ?
« Comment t’écrire adieu » de Juliette Arnaud
(Belfond). Un texte très inattendu de la comédienne et chroniqueuse de Franc
Inter. Elle nous livre un récit autobiographique
sur le deuil d’une histoire d’amour. Le texte est savamment articulé autour d’une
playliste de chansons qu’elle a aimées. Son écriture est rock et cash. Une belle découverte.
Et du côté des
auteurs étrangers, que nous recommandez-vous ?
« Les fureurs invisibles » de John Boyne (Editions
Jean Claude Lattes). Un bon pavé de 600 pages sur la vie en Iralnde d’un garçon
né d’une fille-mère bannie de sa paroisse rurale. Elle part pour Dublin, y
abandonne son fils qui est adopté par un
couple aisé très excentrique. Balloté
par l’existence on le suit dans sa quête
d’identité et dans ses dérives. Je ne pensais pas que la disparition d’un
personnage de roman pouvait me bouleverser un jour et me faire pleurer. Et
pourtant c’est ce que ce roman a provoqué en moi.
Quel premier roman
vous a particulièrement marqué ?
« Ça raconte Sarah » de Pauline Delabroy-Allard (Editions
de Minuit). Une histoire d’amour entre
deux femmes. Un véritable tourbillon de sentiments dans lequel est plongée une
jeune prof, auquel elle n’était pas du tout préparée. L’écriture est
hypnotique, c’est un premier roman très impressionnant.
Quel est le roman le
plus emblématique de la librairie que vous défendez depuis toujours avec
ferveur ?
« Amour » de Léonor de Recondo (Editions Sabine Wespieser). Tout d’abord
c’est magnifique d’offrir un livre qui s’appelle Amour. Et puis c’est une histoire intense autour du
corps et du cœur des femmes au XXe siècle . Les rapports entre maîtres et
domestiques y sont décortiqués avec une telle justesse. C’est très bien vu et
passionnant surtout.
Quel livre vous êtes-vous
promis de lire ?
« Voyage au bout de la nuit » de Louis Ferdinand
Céline. Mais mère était libraire de livres anciens et du coup je l’ai dans son
édition originale. Il est chez moi et m’attend.
La saison des prix se
termine, à qui auriez-vous donné le Goncourt ?
« Salina : les trois exils » de Laurent
Gaudé. C’est de la tragédie grecque en Afrique. Il réinvente une mythologie
autour d’une femme, mère de trois fils et qui vécut trois exils. Son dernier
fils qui la porte en terre nous livre le récit de sa vie pour qu’elle devienne une
légende. Tous les romans de Laurent Gaudé sont exceptionnels.
Une brève de
librairie
Une de mes clientes de 80 ans avant d’entamer la lecture
d’un livre, s’impose de lire préalablement toute l’œuvre de l’auteur. Et si
elle n’a pas deux heures de temps plein devant
elle, elle ne s’y met pas. C’est une
lectrice compulsive, qui peut rester accrochée à sa lecture de 19h00 à 7h00 le
matin non-stop. C’est une ancienne institutrice, aussi forcenée qu’assidue dans
sa pratique. Elle m’impressionne beaucoup.
Librairie-papeterie Le verbe et l’objet
14 place Henri IV
60300 Senlis
03 44 60 61 98
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