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dimanche 1 avril 2018

Les mots cavalent pour la jeunesse


 « Qu’on lise ou qu’on écrive avec les mots on est toujours en voyage ». C’est pour cette raison que Martine Bourdy a choisi la très jolie expression   « Les mots en cavale » pour baptiser la librairie papeterie qu’elle a reprise en 2009 dans le cœur historique de  Rumilly en Haute -Savoie. Au départ c’était surtout une enseigne de papeterie, puis les livres se sont imposés d’eux-mêmes, plus particulièrement ceux destinés à la jeunesse.  Nadine Arnaud, libraire l’a rejointe et c’est ainsi qu’elles conjuguent toutes deux leurs talents entre lecture et arts de l’écriture.  Voici leurs précieux conseils de lecture pour les plus jeunes.

Quel roman nous recommandez-vous ?
Une fable puissante pour adolescents : « Nouvelle Sparte » d’Erik L’Homme  (Gallimard). Deux siècles après le rayonnement de la cité antique, sa fascination et sa domination restent intactes en dépit des bouleversements du monde moderne en proie à la pollution et aux attaques terroristes.  Un roman d’aventures qui renoue avec les mythes antiques. Un texte très poignant.

Et du côté des auteurs étrangers, que nous conseillez-vous ?
« Morwenna » de Jo Walton. (Denoël Lune d’encre) Suite à la disparition de sa sœur jumelle dans un terrible accident qui l’a laissée elle même handicapée, une jeune fille galloise se retrouve dans un pensionnat où elle va explorer le pouvoir bénéfique des livres de science-fiction.  Avec ce roman d’apprentissage, on redécouvre toute la crème des auteurs de SF des années 70.  Un régal. Ce livre a été couronné du Prestigieux Prix Hugo.

Y –a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement plu ?
« Les Doldrums » de Nicholas Gannon (Pocket Jeunesse)  L’histoire d’un jeune garçon bridé par  sa mère qui ne veut pas qu’il soit un doux rêveur. Il habite chez ses grands-parents explorateurs qui vivent comme dans un muséum d’histoire naturelle.  Quand ces derniers disparaissent, il s’émancipe et part à leur recherche.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Tobie Lolness » de Timothée de Fombelle (Gallimard jeunesse). À lire à partir de dix ans. Une très belle fable allégorique sur notre société,  ses dérives et sur l’engagement écologique que chacun devrait avoir. Un roman qui agit sur nos esprits pour une réelle prise de conscience des enjeux du monde dans lequel on vit, le tout porté par un très bel imaginaire et une écriture magnifique.

Quel roman vous êtes-vous promis de lire ?
 « Miss Peregrin et les enfants particuliers » de Ransom Riggs (Bayard Jeunesse) . Le film  qu’en a adapté  Tim Burton est épatant,  du coup le livre est en haut de la pile.  

Une brève de librairie

« Bonjour, je cherche un livre, mais je n’ai pas le titre, pas le nom de l’auteur, je crois que la couverture est bleue »

Librairie Les mots en cavale
9, rue Charles de Gaulles
74150 Rumilly
04.50.01.49.81

mardi 6 mars 2018

Rencontre à la Librairie Tome 7



C’est en 2013 qu’Audrey Colin, Frédéric Lapeyre et Géraldine Garot , tous trois employés de cette librairie du 7em arrondissement de Paris, ont décidé de s’associer pour sauver cette institution du quartier créée en 1989. L’enseigne se trouvait alors dans une mauvaise passe, en pleine liquidation judiciaire. Tous trois l’ont reprise et on peut l’affirmer aujourd’hui, avec succès.  Avant, la librairie s’appelait Tome Dom, évoquant le tome d’un livre et le « Dom » du nom de la rue. Pour marquer le changement, sans pour autant  se couper de ses racines, la nouvelle équipe l’a rebaptisée et a remplacé le Dom par le 7 de l’arrondissement, qui est aussi un chiffre porte-bonheur. Ce sera donc Tome 7, un  nom court, ludique, très facile à retenir et à prononcer. 5 ans après, la librairie se porte très bien pour la plus grande joie des habitants de ce quartier de Paris, qui au-delà de ses apparences très huppées, reste familial, convivial  et à la recherche de proximité et de chaleur que lui offre l’équipe dynamique de Tom 7. C’est Audrey Colin qui nous reçoit aujourd’hui pour nous faire part  de leurs coups de cœur du moment.

Quel roman français nous conseillez-vous de lire ?
Le dernier d’Eve de Castro « La femme qui tuait les hommes »  (Robert Laffont) qui nous raconte plusieurs histoires à travers le portrait de deux femmes, Jeanne et Lena. Cette dernière, une jeune Russe, du temps de la révolution bolchévique  sera connue pour avoir assassiné 276 hommes maltraitants. C’est un superbe voyage entre deux mondes, qui oscille entre histoire et roman, porté par une écriture d’une grande  finesse

Et du côté des étrangers que bous recommandez-vous ?
« Au cœur du Yamato » d’Aki Shimazaki (Actes Sud). Après le cycle du « Poids des secrets » en voici un deuxième composé de cinq romans qui peuvent se lire dans l’ordre ou le désordre. Auteur canadien , originaire du Japon, elle écrit en Français d’une plume raffinée et dresse dans ses livres le portrait touchant de personnages dont la psychologie est saisie en quelques lignes.  Ces romans sont quasiment des nouvelles, et chacun est un petit chef-d’œuvre.

Y a –il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
Il y en a deux. Le premier,   « Fugitive parce que reine » de Violaine Huisman  (Gallimard). Un texte cru, violent, qui secoue beaucoup sur l’amour inconditionnel qu’une femme faillible, maniaco-dépressive, porte à se deux filles.  En dépit de toutes ses tentatives d’une vie heureuse, elle échoue. Un livre bouleversant sur comment grandir et se construire dans un milieu familial instable. Le deuxième « Les déraisons » de la scénariste belge Odile d’Oultremont (Éditions de l’observatoire). Un roman qui m’a touchée. L’histoire d’un  couple Adrien et Louise, frappé par le cancer de cette dernière.  Mais comme pour cette femme magique  tout est jeu et enchantement, elle parvient à mettre des couleurs sur son sombre parcours. Même si je n’aime pas trop comparer, je dirais que ce texte est à la croisée d’« En attendant Bojangles » et de « L’écume des jours » . Un sujet grave, mais un livre plein de tendresse, à recommander.

Quel est le livre que vous vous êtes promis de lire ?
« La guerre et la paix » de Tolstoï. Pas comme un devoir,  mais un profond désir de lire ce génie de la littérature. 

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Parmi les cinq libraires de Tom7, c’est le roman de Mathieu Ménégaux « Je me suis tue »  (Grasset) qui fait l’unanimité.  Un couple plutôt « bobo » se retrouve soudainement confronté au viol que la femme va taire à son conjoint. Ce silence accompagné de mensonges sera le premier d’une longue série qui  aboutira à une succession de drames, dont l’ultime sera l’infanticide. L’épouse croyant voire dans son enfant son violeur.  C’est un texte court, percutant comme un coup de poing, un livre qui vous laisse abasourdi, qui marque profondément et durablement. 

A qui auriez-vous remis le Goncourt?
Dans la sélection j’aurais chois le roman de Véronique Olmi  « Bakhita » ( Albin Michel) . Mais mon Goncourt serait le remarquable dernier livre de Jean-Luc Seigle « Femme à la mobylette » (Flammarion). L’auteur nous fait vibrer sur le destin d’une femme perdue qui va trouver un sursaut dans sa vie grâce à une mobylette.  Un roman magnifique  sur comment on peut renaître de ses cendres. 

Une brève de librairie
Deux pépites me viennent à l’esprit :
 « Bonjour, je voudrais le rouge et le noir. Mais je ne prends aujourd’hui que le rouge, pour le noir je reviendrai la semaine prochaine » 

«  Je recherche la bible, mais je ne connais pas l’auteur »

Librairie Tome 7
81 rue Saint Dominique
75007 Paris
01.45.51.83.98

mercredi 31 janvier 2018

Une librairie fondée par Gaston Gallimard il y a presque cent ans.




Il n’y a pas qu’une librairie dans le giron de Gallimard, mais c’est bien la seule et unique  à porter son si prestigieux nom. Voici un lieu presque centenaire, créé plus exactement en  1919 par Gaston Gallimard lui-même. Situé à quelques encablures seulement  de sa maison d’édition éponyme à Saint Germain des Près, ce comptoir de vente avait pour vocation d’être la vitrine de ses publications. A contre sens total d’une logique purement commerciale, s’y trouvait alors une bibliothèque où les gens pouvaient emprunter des livres. « Il faut prendre de biais les choses les plus simples » avait coutume de dire l’illustre éditeur. Tout en proposant l’intégralité du fonds disponible de la maison, c’est en 1950 que la librairie va s’ouvrir à la  production des éditeurs concurrents. Anne Ghisoli libraire aguerri qui nous reçoit aujourd’hui, a pris la direction de l’enseigne en 2011 et a mis en œuvre en 2015 le gros chantier de rénovation des murs et de la déco. Tout en modernisant le lieu, l’âme en a été préservée. De majestueuses bibliothèques qui s’élèvent du sol au plafond avec leurs échelles pour accéder aux étagères les plus hautes, offrent un élégant écrin aux ouvrages présentés. Ne vous laissez pas impressionner,  ici on est chaleureusement reçu par une équipe de six libraires. C’est au rythme très soutenu de deux à quatre rencontres par semaines qu’ils animent tous la librairie, avec la spécificité d’un rendez-vous dédicace tous les vendredis en fin d’après-midi en présence d’un auteur de Bande dessinée. 

Quel  roman nous conseillez-vous de lire ?
Pour rendre hommage à notre façon au regretté Paul Otchakovsy-Laurens, qui a su comme peu d’éditeurs  créer une belle communauté d’auteurs, je vous parlerai d’une de ses dernières publications :  « Les spectateurs » de Nathalie Azoulai (Editions P.OL).  Un texte tout en finesse, où se dessine une poignante histoire d’exil. Le narrateur est un jeune garçon  de 13 ans qui porte un regard aiguisé sur un père sombre, taiseux et sur une mère qui semble s’évader dans la fabrication de robes de star et la lecture de magazine de cinéma des années 40. On imagine alors qu’ils ont fui un pays du Moyen-Orient.  C’est un très beau texte , où rien n’est jamais forcé. 

Et du côté des étrangers ?
Plus qu’un livre, un coup de poing :  « Un jardin de sable » de Earl Thomson (Éditions Monsieur Toussaint Louverture). Ce roman a tout pour devenir culte. Il se situe aux U.S.A  dans les années 30 pendant la grande dépression. C’est une initiation à la vie dans la pauvreté, la vulgarité et la brutalité.  Une plongée de 800 pages dans le monde des laissés pour compte, peu fréquentables, mais d’une si belle humanité. À découvrir.

Quel premier roman vous a particulièrement marqué ?
« Fugitive parce que reine » de Violaine Huisman (Gallimard). Elle nous raconte sans jamais être dans la plainte, mais avec force d’amour ce qu’elle a vécu avec une mère maniaco-dépressive. Un livre entre cris et hurlements, mais ou rien n’est tout noir ou tout blanc . En tous les cas très vibrant . 

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ? 
Ce n’est pas un, mais deux : L’Illiade et l’Odyssée . Je me sens toujours bête de ne pas les avoir lus. Je pourrais toujours commencer par la biographie d’Homère de Pierre Judet de la Combe (Folio Biographie). 

Quel est le livre culte le plus emblématique de la librairie ?
Ce n’est pas un, mais sept  ouvrages, qui composent « À la recherche du temps perdu » de Marcel Proust (Gallimard).  Bien que la Recherche existe en Pléiade, elle est bien plus souvent demandée en collection blanche. C’est toujours émouvant quand un jeune lecteur démarre Proust. Je lui dis de ne surtout pas avoir peur de l’ampleur et que son monde s’en trouvera tellement enrichi. 

Une brève de librairie :
C’est une anecdote, que beaucoup de libraires ont déjà vécue et qui fait vraiment plaisir. Notre métier est passionnant, mais très difficile. Ma plus grande joie est  celle d’avoir recommandé un jour à un client à Grenoble un auteur auquel je suis très attaché : Henri Calet dont j’ai absolument tout lu et relu: « La belle lurette », « Peau d’ours », « Les murs de Fresnes » ... Je retrouve c’est homme bien plus tard à Paris qui se présente à moi en s’exclamant « Vous me reconnaissez, vous m’aviez fait découvrir l’œuvre de Henri Calet ! » Cette joie-là, de la transmission  abolit toute distance et le temps alors ne se compte plus. 

Librairie Gallimard
15 bd Raspail
75007 Paris

01 45 48 24 84

lundi 13 novembre 2017

Librairie Le Square




« Le Square, c’est une histoire dont on hérite » nous déclare Nicolas Trigeassou en nous racontant comment il y a soixante ans Henri Leterrier forme le projet avec deux amis, anciens résistants comme lui, d’ouvrir chacun une librairie dans une ville de leur choix. Pour l’un ce sera, Poitiers, pour l’autre Dijon et pour lui-même Grenoble. En 1978, à la veille de prendre sa retraite, faute de repreneur,  il doit se résoudre à fermer les portes de son enseigne qui était spécialisée dans le savoir et les publications universitaires. Et c’est la magie du hasard qui fait se croiser Henri Leterrier et un autre Henri du nom de Causse, talentueux directeur commercial des Éditions de Minuit, plus proche collaborateur de feu l’illustre Jérôme Lindon  lui même fervent combattant pour le  prix unique du livre.  Le libraire lui raconte ses difficultés et Henri Causse qui ne peut se résoudre à ce qu’une ville aussi moderne que Grenoble puisse perdre une aussi belle librairie fait le tour de plusieurs confrères  éditeurs qui décident ensemble de sauver l’enseigne.   À cette occasion elle sera rebaptisée et repositionnée. La proximité d’un square et la référence littéraire au livre de Marguerite Duras édité par les éditions de Minuit imposent tout naturellement  un nom, ce sera « Le square ».  Sans se départir de sa caractéristique « universitaire » d’origine, la librairie va fortement développer son rayon littérature et ainsi se généraliser. « Venez nous rendre visite, nous saurons surement vous étonner » peut –on litre sur son site internet. Alors si l’esprit de curiosité vous anime, poussez les portes de cette très graphique  librairie toute bleue…comme une orange et vous ne serez pas déçu tant son offre est vaste et les conseils de son équipe de libraires avisés.  

Quel roman nous recommandez-vous de lire en cette rentrée littéraire ?
Patrick Deville « Taba-Taba » (Le seuil).  C’est le livre pivot de son œuvre et le plus abouti. Il y fait remonter la mémoire des géographies et nous parle des fantômes qui peuplent les mondes, de toutes ces vies possibles qui n’ont pas eu lieu. C’est la force de la littérature de pouvoir rendre compte de ça.

Et du côté des auteurs étrangers que nous conseillez-vous ?
Un véritable bijou écrit entre 1961 et 1964 « Le 28 Octobre » de Pier Chiara exhumé par les Editions La Fosse aux Ours. Un jeune home fuit sa ville natale et dans le train se remémore les faits qui l’amènent au 28 Octobre 1932. Un texte dense, court sur le début du fascisme en Italie, mais aussi sur la découverte du plaisir et sur la lâcheté des hommes. 

Y- a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Climats de France » de Marie Richeux (Sabine Wespieser). Ce que j’aime dans ce livre c’est la fragilité sur laquelle il repose. Qu’ont en commun des gens qui vivent en Algérie dans la cité « Climat de France » à Bab El Oued et ceux de l’ensemble de «  La cité heureuse» à Meudon où l’auteure a grandi ? Ces deux réalisations architecturales étant l’œuvre d’un seul homme :  Fernand Pouillon. Un texte d’une grande fraîcheur construit par fragments, comme des respirations qui laissent toute sa place au lecteur.  

À qui attribueriez-vous le prix Goncourt ?
À Patrick Deville, mais il n’est plus dans la liste. Alors Eric Vuillard pour son œuvre et sinon à Alice Zeniter pour « L’art de perdre » (Flammarion) qui démontre toute la puissance de la fiction pour faire rejaillir une mémoire enfouie.

Quel est le livre culte le plus emblématique de la librairie que vous défendez depuis toujours avec ferveur ? 
Je suis incapable de n’en citer qu’un. Aussi je vous en donnerai  trois : 
« La belle lurette » de Henri Calet, (L’imaginaire Gallimard) car la langue c’est l’écart ;
« Planète sans visa » de Jean Malaquais (Phébus) parce qu’il parvient à nous raconter tout ce qu’il y a comme contingences dans le tragique de l’histoire et enfin
« L’acacia » de Claude Simon (Éditions de Minuit), le seul auteur qui a inventé une langue pour dire l’épaisseur du temps.

Une brève de librairie

La générosité du photographe Bernard Plossu qui nous a proposé une exposition inédite de portraits d’écrivains. Elle est accrochée depuis l’automne sur nos murs et quand on entre dans la librairie tous ces regards bienveillants d’auteurs qui vous accueillent, c’est très fort. Principalement dans l’entrée,  il y a le portrait d’Albert Cossery, tout droit, muet, puissant. Il est venu ici pour une rencontre il y a vingt ans. Et par la magie de la photo, il est là aujourd’hui. C’est une belle émotion.   


Le Square
3 place Docteur Léon Martin
38000 Grenoble
04 76 46 61 63

mardi 17 octobre 2017

Le goût des mots



Plus qu’une librairie, voici un joli projet de couple. Pour vivre ensemble  leur passion commune pour le livre et unir vie personnelle et vie professionnelle, Benoit Cagneaux et Frédéric Franco ont quitté leurs boulots respectifs et leur région pour créer à Mortagne au Perche  « Le goût des mots ». Dix ans et deux enfants plus tard, le pari est réussi. Leur librairie est lieu où il fait bon vivre et bon lire. Ils habitent à l’étage au-dessus de leur enseigne, ce qui confère au visiteur-lecteur le sentiment d’être accueilli « comme à la maison » avec beaucoup de chaleur, de convivialité et de simplicité. Leurs visiteurs sont les locaux, fidèles et exigeants lecteurs, mais aussi tous les résidents secondaires qui viennent passer leur week-end dans cette ravissante région au fort dynamisme culturel et artistique. 

Quel est livre nous recommandez-vous en ce début d’été ? 
« Le saut oblique de la truite » de Jérôme Magnier-Moreno (Editions Phébus). L’auteur qui est peintre, nous offre un court récit de voyage, celui d’une randonnée de pêche en Corse.  L’écriture est sensible, sensuelle et poétique, au service  d’un texte qui oscille entre contemplation et introspection. Après cette lecture, on a le sourire aux lèvres.

Et du côté de la littérature étrangère, quel est votre coup de cœur ?
« La tristesse des éléphants » de Jodi Picoult (Actes Sud). L’histoire d’une adolescente qui recherche sa mère disparue il y a dix ans, qui était spécialiste des éléphants. Elle se fait aider par une voyante et un ancien flic. Deux récits s’entrecroisent habilement entre la recherche de la mère et le monde des éléphants. L’intrigue est menée d’une main de maître jusqu’à l’incroyable dénouement final. 

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Le cœur à l’aiguille » de Claire Gondor (Buchet-Chastel) Alors qu’elle se prépare à se marier, une jeune fille construit sa robe avec les lettres que lui a envoyées son futur époux parti au loin.  Il y a beaucoup d’émotion dans ce roman très délicat qui aborde le sentiment amoureux avec beaucoup de  finesse et d’élégance
Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
Un livre que nous aimons tous les deux : « Retour à Little Wing » de Nickolas Butler (Autrement). Un roman qui reprend tout ce qu’on aime : l’Amérique profonde, le temps qui court, les parcours singuliers de chacun au sein d’une bande de  copains. Il a aussi ce qu’il reste de notre jeunesse dans nos vies une fois adultes. Un très beau roman.

Quel livre vous êtes-vous promis de lire
Il y en a tellement : Don Quichotte, Les frères Karamazov... Dès que nous rangeons ces chefs d’œuvre en rayon, on se dit qu’on va les lire. Mais avec tout ce qui est publié, les clients attendent de recueillir notre point de vue sur les nouveautés et du coup c’est à chaque fois partie remise pour ces grands classiques.

Une brève de librairie

Au début, alors que nous étions en train de ranger les romans jeunesse dont ceux de Christian Oster que l’on avait en main, un coule pousse la porte de la librairie.  Hasard, coïncidence, ou les deux réunis, c’était justement lui, l’auteur qui venait comme par magie d’entrer chez nous. 

Le goût des mots
34 place du Général de Gaulle
61400 Mortagne au Perche
02.33.25.02.04

Librairie Le Cadran Lunaire



Son nom très poétique est un hommage au roman éponyme de l’écrivain surréaliste  André Pieyre de Mandiargues. Ouverte en 1977 par une militante féministe, la librairie « Le cadran lunaire »  s’est créée autour de deux grands pôles : la littérature et  la jeunesse. Il y a 22 ans, Jean Marc Brunier qui nous accueille aujourd’hui l’a reprise  avec la volonté de faire perdurer l’esprit des lieux et y adjoindre sa pâte celui d’un plaisir partagé autour de la fiction où l’imaginaire s’exprime. La librairie cultive volontairement une forme d’indépendance vis-à-vis du monde de l’édition en défendant des auteurs plus confidentiels  dans l’idée de les accompagner de l’ombre à la lumière.  « Savoir reconnaître les talents émergents, c’est tout le sel de notre métier. Être libraire c’est bien plus qu’être un passeur, c’est aussi être découvreur ». 

Quel roman  nous recommandez-vous en cette rentrée littéraire ?
« Nos vies » de Marie Hélène Lafon (Buchet Chastel). Ici, on suit cet auteur depuis longtemps et on l’invite très régulièrement. Elle écrit de façon ciselée des livres très profonds sur une forme de ruralité. Dans son dernier  roman, l’héroïne est une caissière de Franprix à Paris. Autour d’elle on croise une galerie de personnages, une mosaïque de caractères formidablement saisis dans un style serré d’une grande beauté.

Du côté des étrangers, que nous recommandez-vous ?
«La salle de bal» de Anna Hope (Gallimard Du monde entier). Après « Le chagrin des vivants » elle nous propose un roman qui se situe en 1911 dans le Yorkshire dans un asile d’aliénés. Nous sommes au début des recherches sur l’eugénisme où on enfermait très facilement les gens.  Une jeune femme, internée pour une broutille, va vivre une histoire d’amour qui se noue dans une salle de bal de l’hôpital utilisée comme lieu de thérapie. C’est une réflexion très profonde sur l’époque, adossée à une réalité historique méconnue et passionnante.

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement plu ?
« Neverland » de Timothée de Fombelle (L’iconoclaste).  Cet auteur pour la jeunesse nous propose un texte où il nous raconte comment il s’est construit en faisant un retour sur l’enchantement de son enfance. On voit comment son caractère s’est formé pour écrire des histoires où le merveilleux domine.  Un bel l’éloge de la fiction.

Quel a été selon vous le grand livre de l’été 2017 ?
Le dernier roman d’Antoine Choplin « Quelques jours dans la vie de Tomas Kusar » (La Fosse aux ours)  est tout en subtilité et en sensibilité. C’est l’histoire d’un cheminot qui rencontre Vaclav Havel avant qu’il soit connu. Ce dernier va le révéler à lui même et lui ouvrir les yeux sur l’engagement politique, mais aussi sur l’art.  C’est une belle histoire d’amitié que je continue de recommander chaudement.

À qui donneriez-vous le prix Goncourt ?
Bien évidemment Marie Hélène Lafon serait une formidable lauréate à mes yeux. Mais je pense que « Un certain M. Piekielny» de François-Henri Désérable (Gallimard) est un beau roman de formation autour de la figure de Romain Gary.  L’honorer du Goncourt  serait épatant, mais lui donner celui des lycéens serait parfait aussi. 


Quel est le livre le plus emblématique que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« Train de nuit pour Lisbonne » Pascal Mercier (10X18). Un professeur de faculté en Allemagne sauve par hasard sur un pont une femme portugaise prête à se suicider.  Elle disparaît, il se rend chez un ami bouquiniste et découvre un livre d’un médecin portugais. Sa vie bascule, il part pour Lisbonne pour en savoir plus sur cet auteur. Ce texte se lit à plusieurs niveaux. C’est un roman introspectif sur l’amour, la fidélité, l’engagement. Le lecteur se met à réfléchir avec un effet miroir permanent au fil de la lecture. Il y a une sorte d’envoutement, de fascination qui s’exerce. Les gens après l’avoir lu, l’offre à tous leurs amis

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« Ulysse » de James Joyce. Il faudrait idéalement le lire en anglais, mais je m’en sens totalement incapable.

Une brève de librairie
Une des choses les plus fortes qui me soit arrivée : c’est un vieux monsieur érudit qui arrivait au bout de sa vie. On parlait de l’imminence pour lui de la mort et de cette grande question d’un après ou pas. Je lui ai conseillé de lire « Si c’est un homme » de Primo Levi qui est un livre immense sur la puissance de la mort. Il revient deux jours après et s’exclame « Dire que j’aurais pu mourir sans l’avoir lu ». Cet émouvant souvenir illustre toute la modestie, l’humilité que l’on doit avoir face au monde des livres si vaste, on en n’en jamais fini. Et c’est aussi un bel exemple de reconnaissance, ce vieil homme a tenu à me remercier et c’est très émouvant.  

 Le cadran lunaire
27 rue Franche
71000 Mâcon
03 85 38 85 27




dimanche 1 octobre 2017

Une librairie qui vaut le détour




Le jeu de mot semble facile et pourtant il s’impose. Voilà une librairie qui vaut vraiment le détour. Vous la trouverez  en haut de la grande ville de cette station balnéaire de la baie du mont Saint Michel. Construite sur un rocher, Granville porte l’amusant surnom de « La Monaco du Nord ». « Si nous avons baptisé la librairie comme cela, c’est que nous sommes un peu,  sur la route de rien du tout » précise avec humour Raphael Naklé qui nous accueille. Il s’agit en fait de remonter la rue des juifs qui est l’une des artères les plus charmantes de Granville avec ses galeries de peinture, ses antiquaires.  Vous la repérerez à l’irrésistible 2 CV rouge vif garée devant la vitrine. C’est la voiture du restaurateur du bistrot « Ô XC3 » juste en face, qui lui aussi vaut le détour.  Créée il y a dix ans par Fany Héquet et Raphael Naklé, La librairie Le Détour fait parti de ces lieux bourrés de charme dont vous poussez la porte pour ne plus vouloir en repartir, si ce n’est les bras chargés de livres. Pour eux, être libraire c’est avant tout proposer un choix orienté par leurs gouts, leurs envies, leur bagage respectif. « Son originalité est définie par sa sélection ». Mais ce qu’ils aiment avant tout c’est l’ouverture d’esprit, l’échange, la curiosité, qui commencent dès que vous poussez la porte par la qualité du contact qu’ils établissent avec leurs visiteurs toujours très chaleureusement accueillis.  

Quel roman nous recommandez-vous vivement? 
« Équateur » d’Antonin Varenne (Albin Michel). C’est l’un des auteurs qui nous impressionne le plus depuis trois ans. Il s’est imposé comme une très grande plume du roman d’aventures. Entre la quête initiatique et le western, il nous embarque sur la piste de l’équateur à la recherche d’une terre promise. Ce roman est porté par un souffle, un style qui est rare chez les auteurs français.

Et du côté des écrivains étrangers, quel est votre coup de cœur ?
« Les marches de l’Amérique » de Lance Weller (Gallmeister). Dans la veine de Cormac McCarthy, ce roman nous plonge au XIXe siècle quand les États-Unis n’avaient pas encore conquis tout l’Ouest. C’est l’histoire hypnotique de deux cowboys sur la route du Mexique, partis accomplir une vengeance. Un roman splendide qui laisse une impression forte et durable.

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Fin de mi-temps pour le soldat Billy Lynn » de Ben Foutain (10/18) dans la fabuleuse collection « Terres d’Amérique ». C’est un super livre. Deux heures dans la vie d’un jeune soldat en Irak dont l’unité a fait un coup d’éclat filmé par un téléphone portable et qui du coup devient un phénomène médiatique de retour au pays. Il revient en héros à faire une tournée pour soutenir l’effort de guerre, mais n’en a pas vraiment l’étoffe.  C’est très bien écrit. 

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« La maison de Salt Hay Road » de Carin Clevidence (Table ronde. Quai Voltaire). Publié en 2012, cela a été un tel coup de cœur pour nous qu’on en a fait une vitrine. Fin et délicat, ce roman raconte l’histoire d’une famille recomposée qui vit à Long Island avant la guerre en 1938. Deux frères et une sœur vivent avec leur oncle, tante et grand-père.  Quand la jeune Nacy tombe amoureuse d’un ornithologue en vadrouille sur île et décide de l’épouser, tout l’équilibre familial bascule avec comme épreuve supplémentaire la meurtrière tornade à l’automne 38. 


Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Il y en a un paquet. Mais « Méridien de sang » de Cormac McCarthy est un roman que j’ai commencé trois fois, et que je veux à tout prix finir.  Mais j’ai toujours un truc qui s’interpose. 

Brève de librairie
Quand on a accueilli Catherine Poulain pour  « Le grand marin » (l'Olivier), c’était une rencontre inoubliable. Elle a une candeur, une innocence qui n’est pas naïve, mais la marque d’une profonde sincérité. C’est une personne rare, on n’en fait plus des gens comme cela.

Librairie Le Détour
62 rue des Juifs
50400 Granville
02 33 50 90 03

vendredi 23 juin 2017

Librairie française de Rome: Libreria Stendhal


Quand vous vous perdez dans rue de Rome comme il convient de le faire pour bien découvrir la ville éternelle, immanquablement vous tomberez sur la librairie française  nouvellement baptisée Libreria Stendhal. Idéalement, située entre la célèbre Piazza Navona et le Panthéon, elle jouxte l’Institut français et l’église Saint Louis des Français célèbre pour son ensemble du Caravage.  
Cette librairie a vu le jour au sortir de la seconde mondiale, par le biais du philosophe Jacques Maritain alors ambassadeur près du Saint-Siège, qui créa à Rome le Centre culturel français et très vite souhaita lui adjoindre une librairie. Celle-ci ouvre ses portes en 1955, mais malheureusement ferme 20 ans après. 1984, La Procure la fait renaître et après diverses reprises,  le 1er décembre dernier Marie Eve Venturino, libraire aguerrie venue du sud de la France, en prend  les rênes.  Pour marquer le changement et lui imprimer son style elle la rebaptise Libreria Stendhal et la dote d’une identité visuelle des plus marquantes représentant le célèbre auteur de « La chartreuse de Parme » et de « Promenade dans Rome ». Rencontre avec une libraire qui n’aime rien tant que les échanges qui vous mène sur les chemins de traverse et qui volontairement bouscule  notre interview pour nous livrer avec beaucoup de générosité ses bons conseils de lecture.
Quels sont vos coups de cœur  du moment ?  Plus que coups de cœur, je dirais questionnement du moment.  L’actualité politique me pousse depuis quelques temps à m’intéresser au sens des mots, de l’écrit en général contre les discours ambiants, la médiatisation à outrance des pensées vides. Je crois que la librairie peut être un lieu de réflexion et d’action en ce sens. Un lieu de dialogue constructif et collectif. Je viens de relire « Les mots sans les choses », un court essai d’Éric Chauvier paru chez Allia que je trouve particulièrement pertinent sur les dérives du langage. De même, Bernard Aspe, « Les mots et les actes » aux éditions Nous et « En quel temps vivons-nous ? » La conversation entre Jacques Rancière et Éric Hazan parue aux éditions La Fabrique. 
Et du côté des auteurs étrangers ?
Des auteurs italiens bien sûr. Il y en a une longue liste, mais je dirais Amelia Rosselli une femme poète. Son recueil « Documents » paru aux éditions La Barque est une merveille d’écriture dense, politique, intime, expérimentale, ouverte. Je l’ai lu en italien et la traduction de Rodolphe Gauthier est vraiment belle. Dans un autre registre, Paolo Virno philosophe, questionne le langage dans nos expériences, mais aussi comme formes de vie contemporaine. Dans « Grammaire de la multitude : pour une analyse des formes de vie contemporaines » (Éditions de l’Eclat), la notion travaillée de multitude ou de commun sert à comprendre toute forme de vie politique. Pour finir j’indiquerais le numéro 14 de la Revue Nioques consacré aux poètes italiens, recueil qui rend compte de la vitalité de l’écriture de recherche en Italie. 
Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée?
Je vais contourner votre question et plutôt vous parler d’un premier essai.  La question linguistique est dans la chose publique, mais aussi en littérature et à ce propos je conseille la réflexion jubilatoire de Florent Coste dans « Explore », paru chez Questions théoriques sur la littérature lieu par excellence de l’exercice du langage, comme exploration des formes de vies et d’investigation de son efficacité sociale et politique.
Quel est le livre culte, le plus emblématique de la librairie
Je vais tout d’abord vous parler de deux livres qui m’ont construite. Libraire depuis presque 24 ans, j’ai appris le métier avec quelqu’un de remarquable : Jean Simon, de la librairie Vents du Sud à Aix en Provence qui a fermé récemment.  En moins d’une semaine il me mettait deux livres dans les mains qui ont étés fondamentaux dans ma construction de libraire : « Les aphorismes » de Wols  (Flammarion) et « Lisbonne  dernière marge » d’Antoine Volodine aux éditions de Minuit .
Mais pour en revenir à la Libreria Stendhal, je vous citerai Pierre Grimal, « Histoire de Rome » (Fayard), écrit par un très grand historien spécialiste, mais un texte à la portée de tous, d’une écriture limpide et poétique. Stendhal bien sur, « Les Promenades dans Rome » (Folio), sur le Caravage….Ou « Rome le firmament » de Gérard Macé (Éditions Le temps qu’il fait), promenade par un esthète dans la Rome baroque, ou « Iles, guide vagabond de Rome », de Marco Lodoli (Éditions La Fosse aux Ours), qui décrit des Iles comme des bulles, des lieux réels, imaginés ou littéraires de la ville qu’il aime et vit. 
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Cet été j’ai prévu de lire les 4 volumes de « Utopiques » de Miguel Abensour philosophe remarquable malheureusement disparu il y a peu de temps. 
Brèves de librairie
Mes deux plus grandes hontes dans mes premiers jours en tant que libraire française à Rome. La première liée à ma méconnaissance initiale de la langue.  Une cliente me demande donc en italien un livre dont j’avais du mal à comprendre le titre…La cuisine bête…ne comprenant pas bien de quoi il s’agissait, je lui demande à mon tour, un livre de cuisine facile, elle me répond non, c’est un livre de Balzac. Honte absolue, il s’agissait de la Cousine bette….prononcé avec un accent !

La seconde, je demande son nom à une cliente italienne venant chercher sa commande. Elle me répond Loy. Rosetta Loy, moi, non, je vous demande votre nom de famille, pas l’auteur… Elle, mais c’est moi l’auteur. Elle venait nous acheter un livre absolument fantastique que j’avais au demeurant lu, « La première main ». Je ne m’attendais pas du tout à me retrouver devant elle dans la librairie et j’étais terriblement embarrassée. 

Libreria Stendhal 
Piazza di S.luigi de Francesi, 23
00186 Rome Italie

vendredi 9 juin 2017



Ne vous méprenez pas, en dépit de son nom qui évoque cette plante hallucinogène associée aux rituels magiques, cette librairie n’est aucunement ésotérique . Née en 1991 de la fusion de deux librairies, l’une spécialisée jeunesse, l’autre orientée littérature, la Mandragore  est devenue généraliste en offrant d’autres rayons comme les sciences humaines ou la bande dessinée. Lætitia Tillier et Laurent Thomashausen ont repris l’enseigne en 2014 en douceur dans un esprit de continuité. Toujours partants pour des manifestations hors les murs, La Mandragore  en association avec  l’Espace des arts et la bibliothèque municipale de la ville, organise tous les deux ans depuis 6 ans, une manifestation littéraire intitulée « Pages en partage » où des lecteurs lisent l’œuvre d’un auteur  pour ensuite  partager avec ce dernier et le public, le fruit de leurs échanges. C’est Lætitia Tillier qui nous reçoit aujourd’hui pour partager ses derniers coups de cœur.

Quel est votre livre culte, le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Luz ou le temps sauvage » de Elsa Osorio (Métailié – Points). « Attention chef-d’œuvre » c’est le bandeau que nous avons mis sur ce livre qui vous embarque en Argentine sous la dictature et l’affaire des enfants disparus. Il y a deux récits qui s’entremêlent très habilement, l’un en italique, l’autre normal. Un roman follement romanesque et d’une haute tenue littéraire. 

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
« Songe à la douceur » de Clémentine Beauvais dans la collection « Exprim » pour ados des Éditions  Sarbacane.   C’est l’adaptation en vers version XXI siècle de Eugène Onéguine de Pouchkine. Un livre très au gout du jour sur une histoire d’amour entre deux jeunes. Une véritable prouesse littéraire.  

Une brève de librairie :
Alors que notre façade est d’un rouge vif des plus voyants et que nous sommes situés en plein cœur de la ville, souvent des visiteurs châlonnais poussent la porte l’air étonné et nous demandent « Ça fait longtemps que vous êtes là ? » et nous de leur répondre  avec un sourire « depuis 25 ans seulement ! ».  

Librairie la Mandragore
3 rue des tonneliers
71100
Chalon-sur-Saône

jeudi 3 novembre 2016

La fleur qui pousse à l'intérieur est une librairie





Voici un jeune couple qui vient de concrétiser son rêve le plus cher : créer une librairie. Clémence Roquefort a vingt-six ans, Julien Tardif trente ans et ils viennent d’inaugurer le 15 octobre dernier, sur la jolie place des Cordeliers, dans le centre piétonnier de Dijon, une librairie-salon de thé « La fleur qui pousse à l’intérieur ». Fraîchement sortis d’une formation au métier du livre et suite à une courte expérience dans l’Édition, ils se sont forgés une conviction profonde : ne plus avoir de patron, être indépendants et vivre pleinement tout autant que librement leur passion pour les livres.  Le projet d’une librairie–salon de thé s’est alors imposé à eux. Suite à une étude de terrain et aux bons conseils de Pierre Landry, mythique libraire de Tulle, ils se sont lancés. Le joli nom de leur enseigne est tiré de « Vous n’aurez pas ma fleur » une chanson du chanteur libertaire, François Béranger disparu trop tôt sans faire de bruit en 2003 . La note est donnée, voici un lieu  d’engagement pour la défense du livre,  de la littérature, du bien vivre et du bien manger (les gâteaux sont faits maison et bio).  

Quel est le livre culte pour vous, qui est le plus emblématique de votre librairie et que vous défendez avec ferveur 
« 2666 » de l’écrivain chilien Roberto Bolaño (Éditions Bourgois). Un grand et gros livre borghésien à souhait et que l’on ne peut raconter. On rentre dans un genre littéraire (entre polar et érudition) pour en sortir et en découvrir un autre, sans jamais avoir le fin mot de l’histoire. C’est magistral, une expérience de lecture hallucinante.  

Une brève de librairie :
Quand nous parlions de notre projet de librairie-salon de thé, on nous a posé cette question surréaliste  « Et on pourra aussi acheter des livres ? »

La fleur qui pousse à l’intérieur
5 place des cordeliers
21000 Dijon

03 80 47 94 71

La Pologne à Paris





Fondée en 1925, à l’adresse actuelle au 123 Boulevard Saint-Germain à Paris, voici une librairie dont l’histoire est intimement liée à la grande histoire. Quand on y entre, son architecture unique composée de cariatides est restée dans son jus des années 20-30. Y pénétrer vous fait immédiatement remonter le temps. 1833 est la date de la fondation par les démocrates polonais exilés à Paris d’une première librairie polonaise qui était le creuset de l’opposition. C’était aussi une bibliothèque,  un journal, un bureau d’impression. Puis, la Pologne, libérée du joug de la Prusse, de l’Empire russe  et de l’Autriche-Hongrie,  retrouve ses territoires éclatés et son indépendance. S’ouvre alors à Paris en 1925, l’actuelle librairie.  Mais en 1939, la Pologne est envahie par le IIIem Reich et la librairie parisienne devra fermer ses portes, son directeur est déporté par les nazis, tout son stock est pilonné. Quand elle rouvre après guerre, le pays est dominé par un régime communiste totalitaire- satellite de Moscou et la librairie redevient alors un lieu d’opposition pour les Polonais en exil à Paris. Comme un retour à sa vocation première du début du XIXem siècle. En 1989, avec la chute du mur de Berlin, c’est la naissance de la République parlementaire de Pologne où la censure s’effondre.  Les éditeurs et mécènes Vera et Yan Michalski rachètent la librairie en 1991 avec le désir de faire rayonner la culture polonaise, mais aussi la littérature et l’histoire de l’Europe centrale. Pour eux « Le monde a soif de littérature pour mieux exister » et ils font vœu de favoriser les échanges entre l’Est et l’Ouest par ce biais. En 2014 une nouvelle étape est franchie avec la création à la librairie d’un espace francophone dédié aux écrivains de l’ailleurs.  C’est leur neveu Tomek Michalski, historien de formation, à la tête de la librairie, qui nous reçoit accompagné de Anne Béraud libraire de l’espace francophone.

Quel est votre livre culte, le plus emblématique de la librairie ?
C’est un livre écrit en français par un Polonais : « Proust contre la déchéance » de Joseph Czapski. (Éditions Noir sur Blanc). L’auteur écrivain, peintre, grand humaniste, survivant du massacre de Katyń est fait prisonnier par les Soviétiques dans le camp de Giazowietz entre 1940-41. Pour y survivre, avec ses codétenus, officiers comme lui, ils organisent des exposés sur leurs sujets de prédilection. Pour lui c’est l’œuvre de Proust et c’est sans documents qu’il restitue par son seul souvenir ce que « La Recherche.. » lui a apporté. Un ouvrage unique d’une puissance rare qui crée plus qu’un lien symbolique entre la France et la Pologne. Les gens conquis en achètent quatre, cinq exemplaires pour les offrir.

Une brève de librairie

Quand la Pologne est entrée dans l’Union Européenne, le 30 avril 2004 nous avons fêté ça à la librairie avec beaucoup de vodka, c’était très festif. Pour la plupart de nos lecteurs, c’était un symbole fort et beau d’espoir pour notre pays. 15 ans après la chute du mur, c’était porteur de sens. Et puis à partir de 2004, on a vu arriver de plus en plus de sans-abris des pays de l’est dont beaucoup étaient polonais. L’envers triste d’un certain décor, celui de vies brisées par le système. Avec la soupe populaire à deux pas de la librairie souvent ils viennent nous provoquer un peu, voler un livre parfois ou lire un journal du pays tout simplement. Nous sommes alors comme un repère pour échapper à cette triste condition entre soupe, alcool et bagarre.  Et ça nous touche beaucoup. 

Librairie  Polonaise
123 Boulevard Saint-Germain
75006 Paris
01 43 26 04 42