mardi 27 octobre 2015

"Born to be a livre" Librairie Mots et Cie à Carcassonne



 «Lire tue l’ignorance et les préjugés», « Born to be a livre » ou encore « Le prix du livre est unique, votre librairie aussi ». Voilà de bien percutantes inscriptions que vous pouvez lire sur l’élégante façade en bois foncé de la librairie Mots et Cie à Carcassonne. Elles sont très révélatrices de l’esprit du jeune maître des lieux dont l’engagement pour défendre les livres est total. Nous vous le confirmons, Medhi Bouzoubaa est véritablement un libraire unique, très investi dans la cause du livre. Le concernant on peut parler d’une réelle et profonde vocation de jeunesse qui l’a amené à créer Mots et Cie, il y a dix ans. Sa marque de fabrique ce sont ses choix, très affirmés afin que les lecteurs suivent ses conseils sans jamais être déçus. Il est très attaché à ne pas faillir à sa noble mission. Sa librairie est un peu excentrée mais cela lui convient très bien d’être loin du brouhaha commercial du centre-ville. Selon lui, il faut qu’il y ait une vraie démarche à venir pousser sa porte. En retour vous ne serez pas déçu.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Alamut » de Vladimir Bartol (Phébus). Un roman slovène écrit en 1938. Une révélation. L’histoire se déroule en Iran en 1092 autour de l’ascension de deux jeunes au sein d’une secte religieuse basée dans une forteresse construite sur un nid d’aigle. Il nous raconte le processus de radicalisation djihadiste. Une lecture qui est une alerte avant l’heure sur les dangers de l’extrémisme.


Une brève de librairie

Régulièrement quand nous recevons des courriers ou paquets à la librairie, il est inscrit « Maux et cie » au lieu de « Mots et Cie ». Ça nous amuse beaucoup mais ça me convient très bien aussi.  Souvent j’ai l’impression d’être un médecin qui soigne les maux des lecteurs par les mots en délivrant des prescriptions, non pas médicales mais littéraires.


Mots et Cie
35 rue Antoine Armagnac
11000 Carcassonne
04 68 47 21 44

La Librairie "La Boîte à livres" à Tours


La Boîte à Livres
19 rue Nationale 37000 Tours
02 47 05 70 39

Créée après guerre en 46 par Andrée Vanson près de la gare de Tours dans un baraquement de fortune qui ressemble à une boîte, cette librairie trouve alors tout naturellement son nom : « la boîte à livres ». Marceline Langlois Berthelot prend la direction de la librairie en 1985. Elle est épaulée à partir de 1992 par son mari le comédien et metteur en scène Joël Hafkin, chargé plus particulièrement de la communication et des rencontres. Ils vont ensemble faire rayonner leur passion commune pour les mots et offrir un très vaste espace à leur librairie.  Auparavant installée rue des Halles, en 1998, La boîte à livres déménage à son adresse actuelle, 19 rue Nationale avec pour seul crédo : « faire le bonheur des lecteurs ». Dans ses mille mètre carrés répartis sur trois niveaux, l’équipe volontairement très étoffée de trente personnes dont 17 libraires spécialisés, offre une réelle qualité d’écoute et d’échange. Ici le monde du livre est avant tout vivant. Au premier étage, se trouve un ravissant salon de thé–galerie qui s’appelle « L’escale » et qui porte bien son nom. Depuis la disparition de son épouse en 2008, Joël Hafkin a pris seul en main la destinée de la librairie, mais toujours dans l’esprit qui les animait tous les deux. Venu du monde du théâtre, il mesure l’importance de la parole, du lien, des échanges. Ainsi continue-t-il sans relâche à mettre l’accent sur la qualité des rencontres avec les auteurs. Il en organise pas moins de deux à trois par semaines. En l’écoutant, vibrer d’une telle passion et aussi attaché à sa jolie « boîte »,  on ne peut s’empêcher de penser qu’il est un libraire qui ne fera jamais assez de place aux lecteurs et aux livres.


Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« Noces » d’Albert Camus qui m’accompagne depuis longtemps. Un recueil autobiographique sur la vie, la mort, l’absence, l’illusion, la nature. Je le lis et le relis inlassablement tant il donne du courage. Ce texte me tient à cœur pour deux autres raisons. Je l’ai tant aimé que je l’ai joué au théâtre, seul en scène.


Une brève de librairie
Il y a deux ans, en pleins travaux du tramway, il y avait des tranchées devant la librairie et on avait moins de monde. J’ai alors proposé que nous organisions une grande fête où les gens viendraient avec quelque chose à déguster et un livre qui leur tient à cœur. Tout le monde a joué le jeu. Ça a créé un très bel échange autour de lectures parfois anciennes et un beau souvenir pour tous.

mardi 13 octobre 2015

Écran noir sur page blanche


« Archives du vent » Pierre Cendors 
Editions Le Tripode

Tout d’abord il y a la beauté de l’objet-livre avec sa couverture de papier mat où Louise Brooks dans une scène de « Pandora’s box » de Pabst vous harponne de son regard d’une intensité que seule une star du cinéma muet peut offrir à une caméra. Vous tournez la première feuille et tombez sur une page toute noire où il est inscrit « Ouverture au noir », terme technique de cinéma pour décrire l’image qui apparaît progressivement de l’obscurité. Ces pages vous les retrouvez, rythmant les différentes parties du livre comme un effet de scansion qui accompagne le fil tendu d’une narration sous tension. Vous ne pouvez rester indifférent, vous êtes même séduit. Le titre de l’ouvrage « Archives du vent » a quelque chose de familier qui n’est pas sans vous rappeler celui du best-seller mondial de Carlos Ruiz Zafón. Mais tout apparemment dans l’objet est si raffiné, si pensé, qu’on décide de s’y plonger avec la curiosité qui précède les découvertes d’une haute exigence littéraire. 

Lisez sans hésiter « Archives du vent », ce livre tient toutes ses promesses. Il est éblouissant tant au niveau du style que de son histoire tout simplement hypnotique.  Pierre Cendors, son auteur est trop injustement méconnu, c’est pourtant son cinquième roman. De lui, on ne sait pas grand-chose. Ses éditeurs cultivent une forme de mystère, à coup de « paraît-il », de « peut-être ». « Un écrivain de langue française né en 1968 » est sobrement mentionné à son sujet sur le rabat du livre. En cherchant un peu, on découvre qu’il est aussi poète, qu’il vit ici et ailleurs : entre Prague, Berlin, la Suisse, l’Irlande, l’Oise ou l’Écosse. À la lecture de son roman aux saveurs de l’ailleurs, on comprend qu’il ne pouvait en être autrement, cet auteur ne peut être qu’un écrivain errant.

Egon Storm, le personnage principal de cette histoire est un réalisateur de génie qui vit retiré du monde en Islande. Avec la complicité d’un vieil et fidèle ami, Karl Oska, propriétaire d’un ciné-club de Munich, il organise à distance par exécution testamentaire, la projection d’une trilogie qui va révolutionner le monde du cinéma. Il décide de programmer ces trois films évènements à cinq ans d’intervalle le jour de l’équinoxe d’automne.  Storm a inventé le Movicône, un procédé d’archivage numérique qui permet de réunir à l’écran des figures immortelles du cinéma sans qu’elles ne se soient jamais rencontrées devant la caméra. Ainsi tel un apprenti sorcier de la pellicule, en récupérant les expressions, les gestes, les intonations d’acteurs de légende, il compose des rôles inédits et recrée les nuances subtiles de leur jeu. De cette façon, il parvient à faire jouer ensemble des géants comme Marlon Brando et Louise Brooks ou encore plus improbable, des personnalités comme Einstein et Hitler.  Mais à chaque sortie de ses films, une mort mystérieuse advient.  Alors qu’Egon Storm évoque, dans un ultime message la sortie d’un quatrième Movicône totalement inattendu, dont le personnage central serait un certain Erland Solness, le fils paumé de ce dernier Erl, part à la rencontre du réalisateur en Islande en quête de son père méconnu.

Pour écrire cette histoire, l’auteur est parti en 2011 en Islande pour se documenter. Et comme il l’explique lui même en s’appuyant sur une citation de  Ramuz  « pour aller à la rencontre des lieux de pouvoirs premiers ». Pas étonnant que le personnage central de son roman s’appelle Egon Storm, nom inspiré d’une tempête violente qui a balayé les côtes scandinaves. Il souffle sur ce livre des forces magnétiques, voire même cosmo-telluriques que l’on retrouve au pays des geysers et des trolls dans la confrontation des éléments entre visible et invisible.  Entre le feu et la glace.


Du premier film Movicône de Storm intitulé « Nébula », Pierre Cendors nous dit que « Si c’était un livre, Kafka et Emily Brontë l’auraient écrit ensemble ». Et bien c’est ce qui résume le mieux « Archives du vent » qui allie le romantisme et l’âme farouche de la poétesse et romancière britannique à l’atmosphère obscure et fascinante de l’auteur pragois. Ce dernier écrivait qu’« un livre doit être la hache qui brise la mer gelée en nous ». Et c’est bien l’effet que nous fait cet éblouissant roman métaphorique de Pierre Cendors qui parvient à nous faire pénétrer dans son monde imaginaire où règnent les puissances créatives de cet « autre réel » qui se joue de la vérité tout autant que de la réalité. Si « Archives du vent » était un film, Ingmar Bergman et David Lynch l’auraient écrit ensemble. Bonne séance.

Cette Dame blanche n'est pas un fantôme des autoroutes mais une librairie



La Dame Blanche
35 grande rue
56290 Port-Louis
02 97 82 45 11

Ancienne solderie de livres et salon de thé, « La Dame Blanche » vient tout juste d’être reprise en juillet dernier par Dominique Guillopé qui l’a transformée en librairie généraliste, tout en élargissant l’activité de restauration sucrée à une carte salée.
Après dix ans dans le secteur de la programmation de spectacles, elle a souhaité se reconvertir dans le métier de libraire. Suite à une année de formation, elle s’est installée dans le Morbihan à Port-Louis, séduite par cette vieille bâtisse du XVIIem avec sa grande cheminée en pierre et son jardin clos orienté plein sud. Un charme inouï au cœur de la ville, à seulement deux pas de la plage. Pour sa première rentrée littéraire, c’est avec beaucoup de chaleur qu’elle nous fait part des livres qui l’ont enthousiasmée.

Quel est le livre qui vous tient depuis toujours à cœur et que vous défendez avec ferveur ?
Il y  en a plusieurs qui me viennent à l’esprit comme par exemple « le sourire étrusque » ou « Le baron perché ». Mais vraiment celui que j’aime le plus, qui pour moi est un roman culte, c’est « le jour des corneilles »  (Libretto) de l’auteur québécois Jean-François Beauchemin. C’est un ovni littéraire total, l’histoire d’un enfant sauvage et de son père halluciné vivant tous deux au cœur d’une forêt. Un livre très imagé, on est pris dedans pour ne plus le lâcher, on ne peut que l’aimer.


Une brève de librairie :
Comme je viens tout juste d’ouvrir,  je n’en ai pas encore beaucoup. Mais j’en ai tout de même deux, assez amusantes.
Quand «La dame blanche» était une solderie, vous imaginez toutes les piles de livres d’occasion qui s’accumulaient. J’ai tout réorganisé pour proposer une offre sélective de livres neufs, bien rangés, bien mis en valeur. Et là certains clients désorientés n’ayant pas saisi le changement,  de me dire « Mais y a plus de livres ! ».


La deuxième, c’est que le nom de la librairie trouvé par mes prédécesseurs est un hommage à Emily Dickinson et à l’ouvrage du même nom que Christian Bobin lui a consacré dans la collection « L’un et l’autre» chez Gallimard. Mais pour beaucoup, c’est aussi celui d’une auto-stoppeuse fantôme que l’on peut croiser sur les routes. Un jour de marché, une femme m’a apporté de l’encens en m’expliquant qu’il y avait entre les pierres de la librairie une âme tourmentée prisonnière et qu’il fallait à tout prix purifier les lieux. Cette réaction est sans doute liée à ce nom et n’oublions pas surtout que nous sommes dans un pays de légendes.

mardi 6 octobre 2015

La librairie de grand papa


Librairie Georges
300 Cours de la Libération - Talence


En créant sa librairie en 1904, Georges Bory aurait été assez fière de savoir qu’un siècle plus tard, son arrière-petite-fille Cécile poursuivrait son œuvre tout en élargissant le positionnement scientifique de l’époque à une offre totalement généraliste. Cette enseigne qui porte le nom de grand papa, a déménagé en 2002 pour investir dans la région de Bordeaux, 400 mètres carrés dans le Forum des arts et de la culture de Talence, juste au pied du tramway.  Doté d’un café avec terrasse qui permet d’organiser rencontres et débats, Georges est devenu l’étape incontournable pour tous ceux qui aiment les livres et prendre le temps de se poser pour s’y plonger. C’est Jean Pierre Ole, libraire qui nous accueille et nous fait part de ses coups de cœur.

Le livre, le plus emblématique de la librairie, que vous défendez avec ferveur
« Et quelquefois j’ai comme une grande idée » de Ken Kesey  (Monsieur Toussaint L’Ouverture). Par l’auteur de « Vol au-dessus d’un nid de coucou », c’est un roman Faulkenérien par son invention formelle, mais aussi Steinbeckien par son approche sociale.  C’est la première traduction française d’un roman magistral presque cinquante ans après sa publication américaine.

Une brève de librairie

Je voudrais parler d’un pan méconnu de notre métier et me permettre un coup de gueule. Ce matin ce n’est pas moins de 19 colis d’un même grand groupe d’édition qui viennent de nous arriver pour la seule première semaine d’octobre. Je me serais bien passé des deux tiers des livres envoyés, tant ils sont peu ou pas travaillés, bourrés de coquilles et sans réelle raison d’être. On est dans une accélération généralisée, une course frénétique à la production au détriment de la qualité éditoriale des livres. Alors j’ai envie de faire passer un message aux éditeurs : « Publiez moins, mais mieux ». Tout le monde du livre, de l’éditeur au lecteur en passant par l’auteur et le libraire en sortirait gagnant.