vendredi 29 janvier 2016

Lusophonie mon amour





C’est une île. Une librairie certes, mais d’abord une île.  Non pas mystérieuse, mais fabuleuse. Une île aux trésors, incontestablement. Pour la trouver c’est très simple, direction le 5em arrondissement de Paris, cap sur le Panthéon. Ce célèbre monument est son phare, elle est à seulement 20 mètres de lui sur sa droite. Parez à l’accostage. Vous serez d’abord accueillis par des animaux. Un bon gros chat bleu sur la devanture lit paisiblement adossé à un livre.  Il s’inspire de l’un de ceux  du célèbre palácio Fronteira de Lisbonne.  Déjà il vous donne la note, elle sera bleue.  Puis des oiseaux rares et poissons exotiques en papier volent au-dessus des livres dans la vitrine. Enfin si vous êtes fin observateur, vous remarquerez un peu partout à l’intérieur, un éléphanteau avachi sur une élégante lettre C. C, comme Chandeigne, le maître des lieux. Michel Chandeigne : explorateur- découvreur- auteur- libraire- éditeur-typographe-imprimeur- traducteur, biologiste et j’en passe. « Un spécialiste qui sait presque tout, et beaucoup plus encore, contrairement aux spécialistes qui savent tout, mais pas plus » comme le dit si bien de lui, son ami et auteur Marcel Cohen.   Quand vous poussez  la porte, la splendide Joanna vous jettera un regard aussi bleu que son sourire et que le chat en Azulejos de l’entrée.  Vous entendrez alors résonner un « bonjour » à l’accent chaud et chantant. Ici on parle français, mais la locution reine comme la langue natale de Joanna est le portugais. Corinne Saulneron qui est la dynamique responsable adjointe de la libraire l’a appris  en exerçant son métier de libraire à Lisbonne.

Bienvenue en Lusophonie. Vous êtes à la Librairie portugaise et brésilienne. Ici c’est le royaume des lettres du Brésil, Portugal, Angola, Cap-Vert, Goa, Macao, Guinée Bissau, Mozambique, São-Tomé et Principe, Timor oriental. Fondée par Michel Chandeigne en 1986, rue Tournefort, c’est en 2011 que cette librairie a pris ses nouveaux quartiers  à quelques encablures de là, rue des Fossés Saint-Jacques, pour agrandir son tirant d’air. Unique en Europe, les clients y viennent du monde entier pour y dénicher des ouvrages lusophones que l’on ne trouve nulle part ailleurs. C’est bien simple, ce libraire ne retourne jamais un livre et il possède un fonds spécialisé qui constitue un inestimable trésor. La Librairie ne ferme presque jamais, parfois le dimanche et encore. Elle est ouverte toute l’année. La maison d’édition Chandeigne créée en 1992 et dirigée par Anne Lima est restée dans les anciens  locaux où sont imaginés,  créés et composés parfois à la main sur une ancienne presse, des ouvrages totalement fous comme ce livre de référence mondiale : « Le voyage de Magellan 1519-1522 » :   1088 pages sur papier bible, première édition au monde qui rassemble toutes les sources directes sur les expéditions  de l’explorateur portugais et un cahier cartographique en couleurs.

Alors qu’il est constamment sur le pont, à toutes les manœuvres, c’est Michel Chandeigne lui-même qui prend de son précieux temps pour nous accueillir et partager, avec l’enthousiasme qui le caractérise, ses coups de cœur lusophones. Attention pépites à l’horizon.


Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?

« Tombe, tombe au fond de l’eau »  et « La pluie ébahie » (Editions Chandeigne)  de l’écrivain Mozambicain Mia Couto. C’est jubilatoire à lire. Il nous fait découvrir cette Afrique éternelle à travers une création littéraire érudite et populaire, tragique et drôle, réaliste et fantastique. Ce sont des textes qu’on lit et qu’on relit tant ils sont riches par leur contenu et d’une qualité d’écriture tout à fait exceptionnelle.

Librairie portugaise et brésilienne
21 rue des Fossés Saint Jacques
01 43 36 34 37

mardi 12 janvier 2016

Il s'appelait Ziggy


Le 6 mars 2015 en revenant de l'exposition B is Bowie à la Philarmonie de Paris je me suis prise pour Ziggy Stardust. Aujourd'hui après la mort de Mister Jones,  mes T-shirts sont mes petits mouchoirs.





Et pour mettre quelques larmes de rire dans mes pleurs, le génial Plantu





Maupetit la dernière librairie sur la Canebière





« La plus jolie du monde ! ». Voilà ce que nous répond dans un grand éclat de rire Damien Bouticourt quand on lui demande de nous présenter la librairie Maupetit. Et n’imaginez pas que ce marseillais exagère. Cette librairie qu’il dirige, il l’aime. Ça se sent. Créée à la fin du XIXème siècle, elle est devenue en 1919 l’enseigne de la famille d’Ernest Maupetit de pères en fils. En 1998, elle est rachetée par une autre famille amoureuse des livres, les Nyssen qui sont à la tête du groupe Actes Sud, fraîchement Goncourisé et Nobélisé cet automne.  Autrefois, il y avait 4 librairies sur la Canebière, aujourd’hui il n’en reste plus qu’une : Maupetit. Comme en résistance, elle défend avec panache les couleurs du livre avec un espace de 850 m2 à et une galerie de photo de 120m2.  Sa taille n’enlève rien à l’esprit familial qui règne ici. Il y a très peu de « turn-over » dans l’équipe. Certains sont là depuis 30 voire 40 ans. Ça compte la fidélité. En 2014 des travaux considérables de mise aux normes  pour l’accessibilité et la sécurité  ont été entrepris. Ils ont duré toute une année. La librairie peut enfin accueillir les personnes à mobilité réduite et les poussettes des plus petits. Et ça aussi c’est important. 

Quel est le livre qui vous tient particulièrement à cœur et que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« La chute de Cheval » de Jérôme Garcin (Gallimard). Un roman qu’on ne peut pas conseiller à n’importe qui. Ce texte sur la passion de l’auteur pour le cheval s’articule en fait autour de deux drames  familiaux: les morts accidentelles à plusieurs années d’intervalle de son frère jumeau puis de son père. Mais il aborde aussi sa passion pour la femme de sa vie : Anne Marie, la fille de Gérard Philippe.  Un livre qui émerveille par son écriture et la profondeur de son propos.

Une brève de librairie :

Nous n’avons pas fermé la librairie pendant les travaux en dépit des marteaux piqueurs. Nous avons reçu alors des témoignages de fidélité extraordinaires du type « Continuez, on a besoin de vous ». Ça fait très chaud au cœur, comme ce client qui tous les ans nous apporte onze pots de confiture avec des gâteaux en guise de soutien à la librairie.


Librairie Maupetit
142 La Canebière
13001 Marseille
04 91 36 50 50

Quand la littérature vous monte au nez






L’audace, voilà ce qui caractérise  le plus la librairie–papeterie Grangier. L’audace qu’a eu son créateur Jean-Jacques Schaer en s’installant dans les locaux d’un ancien cinéma porno. L’audace de sa repreneuse Simone Hisler, libraire de l’Est, qui en 2012 a relevé le défi  de donner un nouveau souffle à la plus grande librairie indépendante de Bourgogne. Elle n’a pas hésité alors  à lancer de grands travaux de rénovation sur les 1000 mètres carrés répartis en cinq étages. Audace, quand  l’été dernier la librairie a communiqué en  affiches 4X3  dans la ville avec un slogan a deux niveaux de lecture « Livresse : nf sensation heureuse provoquée par une lecture prolongée ».  Voilà chez Grangier, on ne boude pas son plaisir.  De lire, bien évidemment mais aussi d’écrire avec un rayon pour les amoureux des stylos et des jolis papiers. Enfin Grangier aime surprendre les Dijonnais en créant des évènements.  Comme la mémorable venue de Georges R.R Martin l’auteur de la saga culte Games of thrones (Pyglamion). C’est avec Delphine de Loisy que nous échangeons à propos de ses derniers coups de cœur. 



Quel est le livre qui vous tient particulièrement à cœur et que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
« Le sourire étrusque » de José Luis Sampedro (Métaillé). L’histoire d’un vieux paysan calabrais assez rustre, qui tombe gravement malade et doit  quitter son village natal pour Milan afin de se faire soigner. Il y rencontre alors son petit fils de treize mois. Tout l’amour qui lui reste, il va le lui donner. Mais est-ce vraiment son dernier amour?  Ce livre c’est l’Italie sous la plume d’un auteur espagnol.  C’est un texte généreux qui mêle le rire, les larmes, la surprise, l’amour. Je le conseille tellement que certains  m’appellent même  « Mademoiselle sourire étrusque ».



Une brève de librairie :
Un grand monsieur très chic, aux lunettes toujours assorties à ses chaussures,  venait très régulièrement acheter pas moins d’une dizaine de livres. Sans un bonjour, sans un sourire, sans un au revoir. Nous pensions qu’il n’avait pas besoin de conseils car il constituait sa pile sans s’adresser à nous. Un jour nous l’entendons s’écrier haut et fort  dans la librairie: «  Delphine n’a rien aimé ? » En fait, il choisissait ses ouvrages en lisant les petits mots que j’écrivais à côté sur des marques pages, comme on le fait avec mes collègues pour signaler  nos coups de cœur. 


Et puis aussi cette dame qui a réussi cette prouesse inimaginable pour moi de me mettre les larmes aux yeux en me parlant d’un roman… de Danielle Steel.

Librairie papeterie Grangier
14 rue du château
21000 Dijon
03 80 50 82 50

Une librairie qui met de la lumière dans nos coeurs






Inaugurée en 1986 par Marguerite Duras, située à deux pas de la très populaire rue Daguerre, cette ancienne librairie « Arbre à lettres » a  changé en juillet dernier de propriétaire et de nom. Comme le roman d’Antonio Moresco, elle s’appelle désormais « La petite lumière » et c’est le sémillant Olivier Renault accompagné de Anne Pascale Séraphini qui l’a reprise après le départ à la retraite de sa fondatrice Martine Dantin. Il faut dire que cette institution de la vie littéraire de Montparnasse, Olivier Renault la connaît bien. Cela fait 14 ans qu’il la dirige. Et pas seulement, car cet homme aux multiples talents, amoureux de son quartier et de ses artistes, est aussi l’auteur de "Montparnasse – lieux de légendes"  (Parigrammes) "Rouge Soutine" et "Bonnard, jardins secrets" (La petite vermillon). Hors les murs de sa librairie, il exprime toute sa passion pour les livres en faisant des chroniques pour Art Press et Pages des libraires. Bien que très pris par toutes ses activités, c’est lui qui nous accueille très chaleureusement, en prenant le temps de nous parler avec fougue et enthousiasme de littérature. Une bien jolie rencontre pour démarrer 2016 du bon pied.

Quel est votre livre fétiche, celui que vous défendez depuis toujours avec ferveur ?
Vraiment ce n’est pas facile de répondre à cette question. Tout de suite, me vient à l’esprit "Paradiso" de José Lezama (Points), ce chef d’œuvre de l’un des maîtres de la littérature sud-américaine. Mais encore " L’affreux pastis de la rue des merles" de l’italien Carlo Emilio Gadda (Points). Mais bon, à choisir je vais retenir un grand classique français qui m’accompagne depuis toujours dans mon amour pour le XVIIIème siècle: « Le neveu de Rameau » de Denis Diderot (Garnier Flammarion) . C’est le livre que j’ai le plus souvent relu. Il y a tout dedans sur les rapports sociaux, les intrigues, la théâtralisation des choses, la transmission du désir.   On est à l’essence même de tout ce qui m’anime dans mon travail.  « À quoi bon la médiocrité en ses genres ? » 

Brève de librairie :

Cette anecdote qui m’a marqué, s’est déroulée dans une librairie où je travaillais, mais j’étais absent ce jour-là. Jean Noël Schifano, éminent traducteur de l’italien, critique littéraire et directeur de collection chez Gallimard faisait partie de nos fidèles clients qui passaient nous voir très régulièrement. Un jour sans nous prévenir et pour nous faire la surprise, il vient  accompagné d’un ami barbu, de forte corpulence qu’il tenait chaleureusement à nous présenter. Situation délicate, aucun de mes collègues n’a reconnu spontanément l’immense Umberto Eco alors que nous l’admirions tous  et avions vendu ses livres par milliers. J’aime cette histoire, car elle nous rappelle l’humilité qu’il faut avoir dans ce métier. On croit tout savoir d’un écrivain et là tout à coup on l’a sous nos yeux en chair et en os et on ne le reconnaît même pas.


 La petite Lumière
14 rue Boulard
75014 Paris
01 43 22 32 42 

Et si on partait à Casablanca





Attention, avant de pénétrer dans cette élégante librairie francophone de Casablanca on foule de ses pieds un beau tapis rouge.  Et oui nous sommes dans un quartier ultra chic de la ville, surnommé « Place Vendôme » ou encore « triangle d’or ». Mais surtout nous entrons dans un lieu de « Culture » au sens large comme il est indiqué sur sa belle façade architecturée.  Et ici la culture c’est sacré. Voilà une librairie de rêve pour une ville qui fait rêver. Deuxième métropole du Maghreb, la capitale économique du Maroc a été immortalisée à Hollywood par Michael Curtiz est reste un creuset de création artistique des plus vivaces. Son architecture d’inspiration arabo-andalouse, art nouveau et art déco en témoigne sur les façades de la ville. Celle de la librairie « Préface » n’y échappe pas, elle est très graphique. Cette toute nouvelle enseigne a été créée en 2013 par Othman Akdim proriétaire de la librairie DSM au centre-ville. Son neveu Abdou Akdim qui la dirige, nous précise : « On a mis le paquet sur la déco, car c’est important que les gens aient envie d’y flâner, de se poser, qu’ils s’y sentent bien et qu’ils aient envie de rester au milieu des livres». Si le lecteur est accueilli avec beaucoup de chaleur, on sent que c’est aussi la maison des auteurs qui y sont mis à l’honneur. Un espace rencontre leur est dédié et surtout un hommage leur est rendu à travers de magnifiques portraits photographiques en noir et blanc. Dans cette famille, libraires de pères en fils depuis 1937,c’est Akdim Abdou qui nous reçoit pour nous faire part de ses bons conseils de lecture. 


Quel est le livre fétiche de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« Soufi mon amour » de l’auteur Turque Elif Shafak (10/18). Elle aborde avec brio la face éclairée et humaniste de l’Islam. Celle de l’amour, de la tolérance et de l’ouverture dans un métissage romanesque entre orient et occident. C’est un livre essentiel, dont la « positivité » est contagieuse.

Une brève de librairie :

Parfois des auteurs passent de façon anonyme à la librairie pour demander leur livre sans préciser que c’est le leur, juste pour savoir s’il est sur nos tables et s’il se vend bien. C’est amusant quand ça arrive. On les reconnaît tout de suite, mais par discrétion, pour ne pas les gêner nous n’en disons rien et nous répondons tout simplement à leurs questions.

Préface
19, avenue du Dr Mohamed Sijilmassi
20100 Casablanca
Maroc
00212 522 36 17 38