mardi 6 mars 2018

Rencontre à la Librairie Tome 7



C’est en 2013 qu’Audrey Colin, Frédéric Lapeyre et Géraldine Garot , tous trois employés de cette librairie du 7em arrondissement de Paris, ont décidé de s’associer pour sauver cette institution du quartier créée en 1989. L’enseigne se trouvait alors dans une mauvaise passe, en pleine liquidation judiciaire. Tous trois l’ont reprise et on peut l’affirmer aujourd’hui, avec succès.  Avant, la librairie s’appelait Tome Dom, évoquant le tome d’un livre et le « Dom » du nom de la rue. Pour marquer le changement, sans pour autant  se couper de ses racines, la nouvelle équipe l’a rebaptisée et a remplacé le Dom par le 7 de l’arrondissement, qui est aussi un chiffre porte-bonheur. Ce sera donc Tome 7, un  nom court, ludique, très facile à retenir et à prononcer. 5 ans après, la librairie se porte très bien pour la plus grande joie des habitants de ce quartier de Paris, qui au-delà de ses apparences très huppées, reste familial, convivial  et à la recherche de proximité et de chaleur que lui offre l’équipe dynamique de Tom 7. C’est Audrey Colin qui nous reçoit aujourd’hui pour nous faire part  de leurs coups de cœur du moment.

Quel roman français nous conseillez-vous de lire ?
Le dernier d’Eve de Castro « La femme qui tuait les hommes »  (Robert Laffont) qui nous raconte plusieurs histoires à travers le portrait de deux femmes, Jeanne et Lena. Cette dernière, une jeune Russe, du temps de la révolution bolchévique  sera connue pour avoir assassiné 276 hommes maltraitants. C’est un superbe voyage entre deux mondes, qui oscille entre histoire et roman, porté par une écriture d’une grande  finesse

Et du côté des étrangers que bous recommandez-vous ?
« Au cœur du Yamato » d’Aki Shimazaki (Actes Sud). Après le cycle du « Poids des secrets » en voici un deuxième composé de cinq romans qui peuvent se lire dans l’ordre ou le désordre. Auteur canadien , originaire du Japon, elle écrit en Français d’une plume raffinée et dresse dans ses livres le portrait touchant de personnages dont la psychologie est saisie en quelques lignes.  Ces romans sont quasiment des nouvelles, et chacun est un petit chef-d’œuvre.

Y a –il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
Il y en a deux. Le premier,   « Fugitive parce que reine » de Violaine Huisman  (Gallimard). Un texte cru, violent, qui secoue beaucoup sur l’amour inconditionnel qu’une femme faillible, maniaco-dépressive, porte à se deux filles.  En dépit de toutes ses tentatives d’une vie heureuse, elle échoue. Un livre bouleversant sur comment grandir et se construire dans un milieu familial instable. Le deuxième « Les déraisons » de la scénariste belge Odile d’Oultremont (Éditions de l’observatoire). Un roman qui m’a touchée. L’histoire d’un  couple Adrien et Louise, frappé par le cancer de cette dernière.  Mais comme pour cette femme magique  tout est jeu et enchantement, elle parvient à mettre des couleurs sur son sombre parcours. Même si je n’aime pas trop comparer, je dirais que ce texte est à la croisée d’« En attendant Bojangles » et de « L’écume des jours » . Un sujet grave, mais un livre plein de tendresse, à recommander.

Quel est le livre que vous vous êtes promis de lire ?
« La guerre et la paix » de Tolstoï. Pas comme un devoir,  mais un profond désir de lire ce génie de la littérature. 

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Parmi les cinq libraires de Tom7, c’est le roman de Mathieu Ménégaux « Je me suis tue »  (Grasset) qui fait l’unanimité.  Un couple plutôt « bobo » se retrouve soudainement confronté au viol que la femme va taire à son conjoint. Ce silence accompagné de mensonges sera le premier d’une longue série qui  aboutira à une succession de drames, dont l’ultime sera l’infanticide. L’épouse croyant voire dans son enfant son violeur.  C’est un texte court, percutant comme un coup de poing, un livre qui vous laisse abasourdi, qui marque profondément et durablement. 

A qui auriez-vous remis le Goncourt?
Dans la sélection j’aurais chois le roman de Véronique Olmi  « Bakhita » ( Albin Michel) . Mais mon Goncourt serait le remarquable dernier livre de Jean-Luc Seigle « Femme à la mobylette » (Flammarion). L’auteur nous fait vibrer sur le destin d’une femme perdue qui va trouver un sursaut dans sa vie grâce à une mobylette.  Un roman magnifique  sur comment on peut renaître de ses cendres. 

Une brève de librairie
Deux pépites me viennent à l’esprit :
 « Bonjour, je voudrais le rouge et le noir. Mais je ne prends aujourd’hui que le rouge, pour le noir je reviendrai la semaine prochaine » 

«  Je recherche la bible, mais je ne connais pas l’auteur »

Librairie Tome 7
81 rue Saint Dominique
75007 Paris
01.45.51.83.98

Entre cinéma et littérature





Cinélittérature. En un néologisme tout est dit. C’est la plus littéraire des librairies de cinéma ou bien la plus cinématograhique des librairies de littérature. Au choix. Amoureux de ces deux genres, vous la trouverez à Paris à deux pas du Panthéon.  Prenez le fonds de la mythique librairie de cinéma Ciné Reflet aujourd’hui disparue ; trouvez-lui un écrin raffiné dans le quartier latin mitoyen d’une des plus belles salles d’art et d’essai de la Capitale : le cinéma du Panthéon ; choisissez deux parrains -partenaires : une prestigieuse maison de production de cinéma « Why Not » et un libraire aguerri « Le thé des écrivains » et vous avez la recette d’un lieu singulier dédié au cinéma et aux belles lettres. Cinéphiles passionnés, vous y trouverez en neuf et en occasion une sélection exigeante d’ouvrages, mais aussi de cartes postales, affiches,  papeterie, DVD, revues, tout pour garder la tête dans les étoiles.   Pour gérer et animer cet espace unique il fallait un personnage pas tout à fait comme les autres. C’est ainsi que le vibrionnant Marc Benda auteur belge aux mille et une vies a rejoint l’aventure en 2015. Il vous accueille, vous conseille, vous fait rêver et n’aime rien tant qu’organiser  de jolies rencontres entre le 7em art et toutes les autres disciplines artistiques dont le cinéma se fait l’écho. De quoi enchanter des « cinébibliophiles » en tous genres, du quartier et d’ailleurs.  

En littérature française que nous recommandez-vous de lire ?
« La voix manquante » de Frédérique Berthet (P.O.L). Un texte qui nous fait pénétrer dans les coulisses du film de cinéma-vérité de Jean Rouch et Edgar Morin : « Chronique d’un été ». On y découvre l’approche qu’ils ont eue du personnage de Marceline Loridan- Ivens et des souvenirs poignants de sa déportation. 

Et du côté des auteurs étrangers quel est votre coup de cœur ?
« Faire un film » de Sydney Lumet (Capricci Editions) qui est une immersion complète au cœur de la création cinématographique et de toutes ses étapes. Il part de  l’idée même du scénario jusqu’à la réalisation du film. Toujours chez Capricci vous avez aussi  un ouvrage incontournable « En un clin d’œil»  de Walter Murch. Monteur de Francis Coppola, il partage quarante années d’expérience dans son domaine et aborde le crucial passage de l’argentique au numérique. 

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
Oui, celui d’un primo romancier de 69 ans, cinéaste français de grand talent : Régis Wargnier. Il vient de publier «  Les prix d’excellence » chez Grasset. Un roman où il reprend les thèmes chers à son œuvre de réalisateur : l’Indochine, les questions de classes sociales, les soubresauts de l’histoire, l’amour, la sexualité et le cinéma. À travers le  roman et toutes ses possibilités il s’ouvre aussi à d’autres territoires  que la littérature autorise. 

Quel est le livre culte, le plus emblématique de la librairie ?
« Hitchcock Truffaut» (Gallimard).  En 1960 Hitchcock accepte de répondre sur une période de quatre ans à 500 questions sur sa carrière posées par le cinéaste français journaliste des Cahiers du cinéma : François Truffaut. Ce beau livre est une référence dans le genre. Tout récemment et sur ce même type d’entretiens vous avez aussi le formidable « Haneke par Haneke » mené par Michel Cieutat et Philippe Rouyer (Stock).

Une brève de librairie :
Nous avions organisé une rencontre autour des séries télé et Jean Pierre Darroussin devait nous rejoindre pour « Le bureau des légendes » qui retrace les péripéties d’une cellule d’élite du renseignement français. L’acteur qui interprète le chef de la DGSE  était en retard et quand il nous a rejoints, sa présence  magnétique, la sensibilité de ses propos ont créé un moment de grande émotion entre réalité et fiction.  Inoubliable.

La librairie du cinéma du Panthéon - Cinélittérature
15 rue Victor Cousin
75005 Paris
01 42 38 08 26