jeudi 25 octobre 2018

Librairie Saint-Pierre (Senlis)





« Notre librairie s’appelle Saint Pierre car ici on est aux portes du paradis » voilà l’explication très poétique que nous donne Amandine Aronio  avec un large sourire. Plus prosaïquement, c’est le nom de la rue de Senlis qui mène à l’église du même nom où se situe cette institution de la ville. Ici c’est une histoire de famille de père en fille. En 2008, Amandine a racheté  avec son époux Pascal, cette librairie à son papa. Ils comptent bien fêter dignement dans 6 ans le bicentenaire de leur enseigne dont ils sont fiers de défendre les couleurs. L’an passé ils ont créé un salon littéraire « Sous les pavés les livres » qui a accueilli autour d’une vingtaine d’auteurs, 4000 visiteurs sur une seule journée.  C’est Amandine qui nous reçoit aujourd’hui pour partager avec nous ses derniers coups de cœur.

Quel roman de la rentrée littéraire nous conseillez-vous de lire ?
« Là où les chiens boivent par la queue » d’Estelle-Sarah Bulle (Liana Levi). À la demande de sa nièce qui est née en banlieue parisienne et qui s’interroge sur son métissage et ses origines, Antoine va faire rejaillir ses souvenirs familiaux en Guadeloupe et partager avec sa nièce l’histoire de sa terre natale.  C’est un roman pétillant, drôle avec une dimension politique et historique forte.

Du côté de la littérature étrangère, que nous recommandez-vous ?
« Route 62 » d’Ivy Pochoda (Liana Levi) romancière née à Brooklyn. C’est un roman choral qui mérite le détour rien que pour sa scène inaugurale. On suit pendant quatre ans des personnages attachants tout au long de la route 62 qui part du désert du Mojave jusqu’ à Los Angles où ils tentent d’oublier les dégâts de leurs vies. Un livre qu’on de lâche pas une fois sa lecture commencée.

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée ?
« La vraie vie » d’Adeline Dieudonné (L’Iconoclaste). C’est l’impressionnante quête initiatique d’une jeune fille qui veut sauver son petit frère de l’emprise leur père violent. C’est un huis clos familial oppressant, porté par une langue poétique.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
« L’amour sans le faire » de Serge Joncour (Flammarion). Un roman lumineux sur la fragilité des sentiments. L’histoire un petit garçon va bousculer les silences pour rapprocher des adultes en souffrance. Un livre magistral. Il faut absolument lire son dernier roman qui vient de paraître « Chien-Loup » (Flammarion) qui est fabuleux.

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Il y en a plein surtout parmi les classiques.  Mais je choisis « Crime et châtiment » de Dostoïevski

Sur la liste du Goncourt  quel serait votre lauréat?
Thomas B. Reverdy pour « L’hiver du mécontentement » (Flammarion). C’est un roman à la structure narrative virtuose qui nous plongent au cœur  de l’hiver 78-79 où l’Angleterre de Margaret Thatcher était paralysée par des grèves monstrueuses. Passionnant.

Une brève de librairie

Depuis la naissance de nos enfants- qui sont encore petits- à chaque annonce du Goncourt il y a un événement familial qui les concerne. Après les premiers pas de notre dernière, le jour où « Chanson douce » de Leïla Slimani a été couronné nous attentons avec impatience la proclamation du prochain lauréat. Elle va peut être se mettre à parler !

Librairie Saint Pierre
1 rue Saint Pierre
60300 Senlis
03 44 60 92 20

Librairie des petits Platons (Paris)





Bonne résolution de rentrée et si on philosophait ? Poussons la porte de la librairie « Les Petits Platons » qui se situe à Paris à deux pas du Panthéon.  Ici on n’attend pas pour nos têtes blondes la classe de terminale pour pratiquer avec eux l’art de philosopher. Dans cette librairie jeunesse orientée philo, on y trouve des ouvrages destinés à toutes les tranches d’âge et ça commence dès 3 ans.  Si la philosophie est l’amour de la sagesse, il est clair que Jean Paul Mongin philosophe, éditeur et librairie est tout sauf sage et aime sortir des sentiers battus.  Il pratique sa discipline avec cœur et rigueur, mais sans jamais se prendre au sérieux et surtout avec la volonté de ne jamais être ennuyeux. C’est ainsi qu’il a eu la belle idée  en 2010 de créer une maison d’édition de livres philosophiques pleins d’esprit et d’humour qui s’adressent aux jeunes. Il a joliment baptisé  sa maison « Les petits Platons ». L’enjeu pour lui est de raconter les grands philosophes, leurs questionnements, leurs visions du monde sous forme d’histoires rigolotes. Et ça marche, ses livres sont traduits dans 26 langues et comme le veut l’expression consacrée, se lisent de 3 à 77 ans. C’est son épouse Morina qui assure la direction artistique avec une sélection d’illustrateurs de qualité et une fabrication soignée.  C’est en 2014 que  la librairie a ouvert ses portes pour proposer outre les ouvrages maison, une sélection de beaux livres, de revues et d’objets ludiques comme ces drôlissimes marionnettes à l’effigie de nos grands penseurs . Régulièrement Jean Paul Mongin organise des rencontres ou ateliers phisolophiques à la librairie  et au théâtre de l’Odéon pour les adultes.

Quel « Petit Platon » nous conseillez-vous pour nous initier à votre collection?
« Newton et la confrérie des astronomes » de Marion Kadi et Abraham Kaplan, illustré par Tania Boyko.  Un récit fantastique et scientifique qui réunit autour de Newton : Ptolémée, Copernic, Galilée, Kepler, Descartes, Leibniz... On y découvre au fil d’une palpitante aventure des notions comme la gravitation, les phénomènes optiques entre autres. Un livre aussi instructif que follement amusant.

Quel est selon vous l’incontournable de votre collection, l’ouvrage pilier ? 
Je vous en citerai deux. Le premier « Diogène l’homme chien » de Yann Marchand illustré par  Vincent Sorel.  Pour être libre comme un roi, il faut être libre comme un chien, car tout ce que l’on possède nous possède. Dans ce livre Diogène est un vrai chien, libre, furieux, increvable. Voilà une belle et distrayante réflexion sur la liberté. 
Le second : « La folle journée du professeur Kant » illustré par Laurent Moreau et écrit par mes soins. Kant est très souvent jugé sévère et austère, aussi ce livre propose de le découvrir de façon drôle et décalée autour d’une série de questions  qu’il s’est posées lors d’une journée passée à Königsberg : Que puis-je connaître ? Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ?  Qu’elle est le secret de la beauté ?

Quel beau livre nous recommandez-vous ?
« Kanjil et le roi des tigres. Conte d’Indonésie » de Béatrice Tanaka  (Editions Kanjil). C’est un livre CD qui raconte comment le petit Kanjil empêche un démon d’envahir son île  et de croquer ses amis.  Sur la base d’un conte traditionnel indonésien, elle réunit une belle documentation sur le théâtre d’ombres et y adjoint la musique traditionnelle de Java.

Une brève de librairie

Récemment un orthophoniste nous a raconté qu’un garçon de 12 ans qui n’avait pas appris à lire s’est passionné dans son apprentissage par « La mort du divin Socrate ». Le personnage de Socrate l’a profondément touché par sa marginalité et sa quête de vérité. Un retour de lecture comme celui-là justifie à lui seul toute la collection.  Il y a aussi ce papa qui nous a expliqué que sa fille qui avait passé un bac scientifique, contre toute attente s’était engagée dans des études de philo suite à la lecture enfant de nos Petits Platons. Nous sommes fiers d’avoir suscité une vocation.

Librairie des petits Platons
7 rue des Fossés Saint Jacques
75005 Paris
09 81 72 23 49

La petite marchande de prose (Sainte Sabine)





Si un jour je crée ma  propre librairie, je l’appellerai  « La petite marchande de prose ». C’est ce que s’est toujours dit Isabelle Charko, libraire depuis vingt-cinq ans.  Et puis,  ce jour est arrivé,  en 2015 lorsqu’ elle a ouvert son enseigne à Sainte Sabine. Elle n’est pas la seule librairie à avoir succombé à ce joli nom  qui définit si bien la profession. À l’origine, c’est le titre du troisième roman de l’épatante  « Saga Malaussène » de Daniel Pennac. Isabelle Charko vit son métier comme une réelle vocation avec un sens très aigu de l’engagement dans la défense des librairies  indépendantes, qui sont  fortement menacées par les géants du net.  Selon elle, le combat doit se mener à la racine, auprès des jeunes générations pour que les enfants lecteurs d’aujourd’hui deviennent les adultes lecteurs de demain. C’est dans cet esprit qu’elle a imaginé l’Association des amis de la petite marchande de prose  qui organise des échanges de livres entre jeunes pour leur apprendre à partager leurs lectures et à  débattre au sujet des ouvrages qu’ils aiment. Rencontre avec une talentueuse passeuse de prose.  

Quel roman de la rentrée nous conseillez-vous de lire?
« Un monde à portée de main » de Maylis de Kerangal (Éditions Verticales). J’aime son écriture incisive et directe. Cette histoire m’a fait découvrir le monde fascinant du trompe-l’œil et des copistes. De Cinecitta à Lascaux,  elle nous embarque, avec beaucoup de sensibilité, dans un très beau voyage artistique.

Et du côté de la littérature étrangère que nous suggérez-vous de lire ?
« Les suprêmes chantent le blues » d’Edward Kelsey Moore (Actes Sud). Il avait écrit « Les suprêmes » qui racontait l’histoire de trois femmes noires  de la classe moyenne au moment de la ségrégation. Je ne m’attendais pas à une suite et au retour de cet irrésistible et inséparable trio. Ce livre vous plonge avec drôlerie et beaucoup d’humanité  dans les années 60, sur fond de jazz et de blues.

Y –a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
« Les malheurs du bas » d’Inès Bayard (Albin Michel). L’histoire suffocante et dérangeante autour d’une vie conjugale devenue impossible après un viol.  Alors qu’elle mène une vie heureuse, une jeune femme voit sa vie basculer dans l’horreur quand elle découvre qu’elle est enceinte de son violeur. Dès le premier chapitre, on entre de plain-pied dans le drame,  avec une violence inouïe. C’est un excellent premier roman, qui vous tient en haleine du début à la fin. Impossible de le lâcher.  Mais attention, c’est d’une telle brutalité qu’on ne peut pas le proposer à tout le monde.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous recommandez avec ferveur ?
« Écoutez nos défaites » de Laurent Gaudé (Actes sud). Un texte qui m’a profondément émue. C’est une fable philosophique qui articule les épopées de trois héros du passé : Le général Grant, Hannibal, Hailé Sélassié,  autour d’une histoire d’amour contemporaine entre un agent des services de renseignement français envoyer en mission à Beyrouth et  une archéologue irakienne  qui tente de sauver les trésors des musées des villes bombardées. Comme « Mars » de Fritz Zorn qui a changé ma vision des choses, cette lecture du roman de Laurent Gaudé a bouleversé ma façon de voire le monde et m’a questionnée en profondeur sur le sens de la vie.

Quel livre vous êtes-vous promis de lire ?
Proust. Tant de proches m’ont dit que c’était une lecture exceptionnelle. Notamment l’auteur Jean Philippe Blondel qui est le parrain de la librairie. Il lit et relit Proust inlassablement. Il m’a donné un conseil. Quand il s’y met, il ne fait que ça et surtout ne lit rien d’autre à côté.

Une brève de librairie :

Pour la sortie d’ « Asterix et la Transitalique », j’avais commandé 12 exemplaires, ce qui semblait raisonnable compte tenu de notre proximité avec une librairie spécialisée BD. Et puis patatras, suite à une erreur on m’en avait livré 100 ! J’en aurais pleuré. Ma collaboratrice a préféré en rire et utiliser les réseaux sociaux avec humour en publiant une photo de moi près de la pile qui ressemblait à une colonne,  avec  comme légende : « Si je les vends tous je mange mon chapeau ! » Et bien ça a provoqué une forte affluence, je les ai tous vendus, et j’ai du même en recommander.  Pour finir, j’ai vraiment mangé mon chapeau, que j’ai fait fabriquer en chocolat.

La petite marchande de prose
55 avenue du Général Galliéni
10300 Sainte Sabine
03.25.59.21

Librairie La cour des grands (Metz)



Au départ cette librairie généraliste a une grande sœur spécialisée jeunesse « Le préau » située de l’autre côté de la rue, elle même à deux pas de la cathédrale de Metz. «  Cela nous brisait le cœur de perdre nos jeunes lecteurs devenus grands et ne plus pouvoir les conseiller. C’est ainsi qu’est née l’idée d’une librairie pour les plus grands. Son nom s’est imposé alors tout naturellement ». C’est une bien jolie histoire que nous raconte Julie Remy qui a repris les deux enseignes il y a 10 ans.   Très attachée au fonds qui est révélateur de l’âme d’une librairie, ici vous trouverez trois espaces bien distincts : l’un pour la littérature générale et policière, l’autre pour les sciences humaines, et enfin celui des beaux livres : d’art, de cuisine et de voyages. C’est Julie Remy qui nous reçoit aujourd’hui pour nous faire part de ses derniers coups de cœur.

Quel roman de la rentrée littéraire nous conseillez-vous ?
« Arcadie » d’Emmanuelle Bayamack-Tam (P.O.L). Au-delà de son écriture, cette romancière fait preuve d’une liberté folle tant dans le choix de ses personnages très atypiques que dans celui de ses sujets : le sexe, l’image de soi, les dérives sociétales. Dans ce dernier roman, on  suit une jeune adolescente intersexuée en quête d’identité au cœur d’une secte d’égarés où s’est parents l’ont emmenée. Cela pourrait être tragique mais c’est bourré d’humour et surtout c’est très intelligent.

Du côté de la littérature étrangère, que nous recommandez-vous ?
« L’abattoir de verre » de J.M. Coetzee (Le Seuil). C’est le retour d’Elizabeth Costello, célèbre personnage de l’écrivain. Cette vieille romancière australienne très fantasque est le double littéraire de l’auteur, Nobel de littérature.  On la retrouve vieillie, elle n’écrit plus et s’est retirée dans un village perdu en Castille entourée de chats et d’un simple d’esprit. Ses enfants s’inquiètent pour elle, mais comment ne pas entraver sa liberté ?
À travers ces sept textes, l’auteur aborde les questions de la vieillesse, des relations familiales mais aussi de la cause animale.

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marquée ?
« Ça raconte Sarah » de Pauline Delabroy-Allard (Editions de Minuit).
Une histoire romantique et troublante sur une passion amoureuse entre une jeune enseignante et une musicienne. C’est magnifique et étonnant de maturité.

Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur depuis toujours ?
« Les oiseaux » de Tarjei Vesaas, l’un des plus grands romanciers norvégiens. L’histoire est ténue, c’est le texte lui-même qui porte tout. Mattis, un homme simple d’esprit et hypersensible vit avec sa sœur  ainée qui le protège. Ils vivent hors du temps, au cœur de la nature au bord d’un lac entouré de bois. Avec sa barque il  devient passeur, mais bien plus que cela. C’est un livre profond,  absolument magnifique.


Une brève de librairie

Depuis la première heure, nous défendons « Le livre de Dina » la mythique saga de Herbørg Wassmo, l’immense romancière norvégienne.  Je l’ai même chroniquée à la télé dans « La grand librairie ». Vous n’imaginez pas notre joie quand les Editions Gaia nous ont fait l’honneur d’organiser une rencontre à la librairie pour la sortie de son dernier livre « Le testament de Dina ».  Un souvenir mémorable pour nous.


Librairie La cour des grands
12 rue Taison
57000 Metz
03 87 65 05 21