lundi 11 mars 2019

Librairie Les parleuses à Nice



« On a trente ans, si on ne le fait pas maintenant on ne le fera jamais ». C’est comme cela que ces deux jeunes trentenaires, Anouk Aubert et Maude Pouyé ont fait le saut de quitter l‘Éducation nationale pour réaliser leur rêve : créer leur librairie et par la même occasion quitter Paris. C’est ainsi qu’il y a deux mois elles ont ouvert à Nice « La librairie Les parleuses » à deux pas du Musée d’art contemporain, dans un quartier en pleine mutation. Elles s’y sentent d’ores et déjà si bien, qu’elles viennent le racheter le café en face de la librairie, où elles organisent dédicaces et rencontres.  C’est en l’honneur d’un ouvrage  de conversations de  Marguerite Duras et de Xavière Gauthier qu’elles ont baptisé leur enseigne « Les parleuses ». Ce titre de livre leur va bien à toutes les deux qui aiment tant échanger entre elles ou avec les lecteurs de leur passion commune pour la littérature.  

Quel roman nous conseillez-vous de découvrir ?
« Ça raconte Sarah » de Pauline Delabroy-Allard (Editions de minuit).  L’histoire d’un amour fou entre une violoniste et une prof de lycée. On dépasse très vite le fait qu’il s’agit de deux femmes. Cette passion dévorante est totalement universelle.  La structure narrative est étonnante et le sujet traité avec ambition. Pour un premier roman, on a été bluffées.

Et du côté des auteurs étrangers quel est votre dernier coup de cœur ?
« La seule histoire » de Julian Barnes (Mercure de France). On y retrouve tout ce qu’on aime chez Barnes : sa touche britannique,  son univers, son style élégant. Il nous raconte l’histoire d’un amour entre un jeune homme de 19 ans et une femme de 48 ans, mariée, mère de famille.  Il n’y a aucune mièvrerie, aucun cliché. Ce texte est une critique sociale forte et Julian Barnes y livre beaucoup de lui même.
Mais  nous avons aussi  beaucoup aimé « Le bûcher » de György Dragomán (Gallimard du monde entier).  Un roman hongrois qui se passe en Roumanie. Une gamine de 13 ans orpheline est récupérée par une inconnue qui se présente comme sa grand-mère  et qui l’initie à des pratiques occultes.  Un roman captivant sur le traitement des juifs en Roumanie.

Y a-t-il un premier roman qui vous a particulièrement marqué ?
 « Frère d’âme » de David Diop  (Le Seuil). Son style est impressionnant, il nous embarque  dans la folie, la violence, la fureur de la guerre sur les traces de ces tirailleurs sénégalais au destin ensanglanté. 
Quel livre vous êtes-vous promis de lire ? 
Dans l’absolu - nous répond Anouk-  j’aimerais tellement parvenir à lire  « À la recherche du temps perdu » de Proust. Mais je n’y arrive pas, ça me plait et pourtant je décroche à chaque fois. 

La saison des prix d’automne est terminée, à qui auriez-vous donné le Goncourt ? 
Nous l’aurions  donné à David Diop  pour « Frère d’âmes »  (Le Seuil) 


Quel est le livre le plus emblématique de la librairie que vous défendez avec ferveur ?
Il y a bien évidemment « Les parleuses » de Marguerite Duras et Xavière Gauthier (Editions de Minuit) qui a donné son nom à notre librairie. Ce sont des entretiens qu’elles ont eus toutes les deux alors qu’elles étaient quelques jours à la campagne. Elles voulaient en faire un texte qu’elles auraient retravaillé, mais l’ont laissé tel quel, à l’état brut. Ainsi on a du « parlé – écrit », avec des silences, des répétitions, des incohérences, des hésitations. Elles interrogent la parole, sa portée. Mais il y a aussi « Je vous écris dans le noir » de Jean Luc Seigle sur le destin tragique de Pauline Dubuisson. On a découvert cet auteur récemment, c’est un très grand romancier dont on parle trop peu selon nous.  Ce qu’il écrit est populaire au sens noble du terme.  Ses sujets sont ambitieux, mais il rend la littérature accessible.  


Une brève de librairie :

Alors qu’on avait appelé la police municipale pour un problème dans le square en face, l’équipe est entrée dans la librairie. Une jeune femme officier de police, s’est alors intéressée aux livres sur les tables et nous a demandé conseil. Elle s’en est allée un roman sous le bras. Quelques jours plus tard, elle est revenue en civile pour racheter d’autres ouvrages. Elle n’était pas du tout lectrice avant et venait de découvrir qu’elle aimait ça. Voilà une anecdote qui nous a profondément touchées et qui illustre bien pourquoi on aime faire ce métier.  


Librairie les Parleuses
18 rue Defly
06000 Nice
04 93 01 27 34

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